Inégalités

Le G20 commence à s’attaquer aux inégalités

Sandra Polaski, Directrice générale adjointe de l’OIT pour les politiques, salue la récente réunion des ministres du Travail et de l’Emploi du G20 en Turquie comme une étape prometteuse pour promouvoir des politiques de réduction des inégalités, de soutien à la croissance et de création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité.

Editorial | 18 septembre 2015
Sandra Polaski
Les inégalités constituent le plus grand défi de notre temps. Leurs origines sont complexes et, dans une certaine mesure, tributaires de forces mondiales, mais elles sont aussi le reflet de nos choix politiques. Dans l’un des chapitres de son dernier ouvrage, «La grande fracture», le Prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz le résume ainsi: «Les inégalités sont un choix».

De récentes recherches menées par l’OIT, le FMI et d’autres ont aussi démontré qu’en plus de l’injustice sociale et des divisions qui découlent des inégalités, ces dernières portent aussi préjudice à la croissance. Par exemple, l’OCDE a récemment estimé que la hausse des inégalités en Europe avait amputé de près de 5 pour cent la croissance économique de la région ces dernières années.

Plus tôt dans le mois, la réunion des ministres du Travail du G20 à Ankara, en Turquie, a fait le bon choix en faisant preuve d’un engagement déterminé pour relancer la croissance, l’emploi et réduire les inégalités. S’attaquer aux inégalités et créer de meilleurs emplois permettra de construire des sociétés plus inclusives et une croissance économique plus forte.

L’aggravation des inégalités dans certains pays est d’une ampleur inouïe. Par exemple, aux Etats-Unis, entre 1979 et 2007, près de la moitié du total du revenu national a été captée par les 1 pour cent les plus riches. En Europe, les 10 pour cent de la population au sommet de la distribution des revenus (salaires et capital) détiennent 35 pour cent du revenu national.

L’une des principales causes de l’aggravation des inégalités est le déclin de la part du PIB qui va aux travailleurs à travers leur fiche de paie et leurs prestations. En plus du chômage et du sous-emploi, un net ralentissement de la croissance salariale dans la plupart des pays avancés et émergents du G20 est responsable du recul de la part du travail dans le revenu national.

Les inégalités ne sont pas une fatalité

Les inégalités sont un problème difficile aux causes multiples. Mais nous disposons d’outils politiques qui peuvent traiter chacune d’entre elles.

Dans leur déclaration finale à Ankara, les ministres se sont mis d’accord pour lutter contre la montée des inégalités et, le cas échéant, contre la baisse des revenus du travail en adoptant une série de politiques adaptée au contexte national. Ils ont approuvé une liste de priorités stratégiques à prendre en compte, y compris l’utilisation active de mécanismes appropriés de fixation des salaires (par exemple des salaires minimaux et une négociation collective renforcée), de systèmes de protection sociale, de politiques fiscales efficaces pour lutter contre les inégalités, et le recours effectif à des services d’emploi et des politiques actives du marché du travail pour ramener les populations vulnérables ou marginalisées vers de meilleurs emplois.

Les ministres vont recommander aux dirigeants du G20 d’accorder la priorité à une croissance riche en emplois en traitant l’ensemble des facteurs qui expliquent la faible demande dans la plupart des économies du G20, notamment la stagnation de l’emploi et des salaires dans la plupart d’entre eux. Ils vont faire suivre leur déclaration et la recommandation détaillée qui l’accompagne aux dirigeants pour qu’ils l’examinent lors du Sommet du G20 qui doit se tenir à Antalya (Turquie) en novembre.

Donner la parole aux acteurs de l’économie réelle

La Présidence turque a invité les organisations internationales d’employeurs et les syndicats (le B20 et le L20), ainsi que plusieurs groupes issus de la société civile, à participer à une session de dialogue avec les ministres du G20. S’exprimant lors d’une réunion conjointe des ministres du Travail et de l’Emploi et des ministres des Finances, les deux groupes ont désigné les inégalités comme un problème méritant toute leur attention.

La Présidence turque accueillait cette réunion, reconnaissant l’incapacité des ministres du Travail à faire face aux inégalités, à promouvoir l’inclusion et à renforcer les liens entre emploi et croissance tout seuls. Leur action doit être complétée par des efforts similaires de la part des ministres des Finances et de l’Economie.

L’OIT a vu son rôle prendre de l’ampleur au G20 ces dernières années; elle va continuer d’y prendre une part active en fournissant des données empiriques, en proposant des solutions politiques et des mesures pratiques qui peuvent réduire les inégalités, engendrer des sociétés plus inclusives et créer de meilleurs emplois pour les peuples du G20 et ailleurs dans le monde.