Notre impact, leur histoire

«Sortez de l’ombre!»: des dessins animés au cœur d’une campagne pour la formalisation de l’économie kirghize

L’an dernier, la Conférence internationale du Travail a adopté la recommandation n° 204 concernant la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle. Au Kirghizistan, un projet innovant montre comment cette transition peut être concrètement encouragée.

Reportage | 6 juin 2016
BISHKEK, Kirghizistan (OIT Info) – Selon les estimations du gouvernement, 70 pour cent des travailleurs du Kirghizistan ont un emploi informel. Depuis que le pays est devenu indépendant, au moins 3, 265 milliards de dollars ont ainsi échappé au trésor public.

L’essentiel de l’économie informelle concerne les services, l’industrie, l’agriculture, la construction, et les entrepreneurs individuels sont particulièrement touchés. Le gouvernement du Kirghizistan reconnaît que l’économie informelle affecte sérieusement le développement économique et menace la sécurité économique du pays.

L’année 2015 a été déclarée année du renforcement de l’économie au Kirghizistan et la formalisation de l’économie informelle a été érigée en priorité. Le gouvernement a adopté un plan national pour 2015-2017 afin de réduire l’économie informelle. Toutes les mesures au niveau politique étant déjà en place, il manquait une méthode pour toucher les travailleurs informels eux-mêmes. C’est là que les syndicats kirghizes ont pris l’initiative d’une campagne de sensibilisation.

S’adresser à tout le monde

«Pour nous, la principale difficulté était de trouver l’outil le plus approprié pour la campagne», explique Rysgul Babayeva, vice-président de la Fédération des syndicats du Kirghizistan. «Il devait être simple, attrayant et facile à comprendre pour tous – les personnes illettrées comme les plus instruites, les enfants comme les adultes, les femmes comme les hommes – puisque l’économie informelle concerne toutes les catégories sociales sans exception. Nous avons donc envisagé diverses options et je ne me rappelle plus qui a été le premier à évoquer les «dessins animés» mais quand le mot a été prononcé nous avons tous compris que le bon outil avait été trouvé.»

L’étape suivante fut d’inviter un groupe d’artistes multimédia à une séance de réflexion avec des représentants des syndicats des secteurs abritant la plus forte proportion d’emploi informel.

«C’était la première fois dans ma vie professionnelle que nous, en tant qu’artistes multimédia, recevions des commentaires du public avant même de lancer le travail», se souvient Gulira Aitymbetova du Studio multimédia, à Bichkek, la capitale du Kirghizistan. «Nous avons discuté de tout en détail – du concept général et des thèmes à couvrir à la façon dont les personnages devaient être habillés et à chacun des mots qu’ils devaient prononcer. En fait, les syndicats ont été de véritables co-auteurs des dessins animés et leur implication a été la clé du succès.»

Cette série de dessins animés dépeint des situations réelles et les risques liés à l’économie informelle.

Cet ouvrier à la retraite n’obtiendra pas une pension suffisante…


… cette femme a perdu son emploi parce qu’elle est enceinte…


… et ce jeune homme ne sera pas en mesure de payer son traitement médical.


Le message est clair: Sortez de l’ombre! Travaillez en toute légalité!

Les dessins animés ont été entérinés lors d’une table ronde de haut niveau à laquelle participait Kudaibergen Bazarbaev, ministre du Travail et du Développement social. «Aujourd’hui, les gens acceptent n’importe quel emploi, à la recherche d’une rémunération immédiate, mais ils devraient être conscients de ce qui pourrait arriver s’ils prenaient leur retraite après des années de travail informel», a-t-il déclaré.

A ce jour, les habitants de toutes les régions du Kirghizistan ont pu voir les dessins animés: par moins d’une dizaine de chaînes de télévision nationales et régionales les ont diffusés gratuitement, au titre de publicité à caractère social.

«Si vous me demandez pourquoi ces dessins animés ont rencontré un tel succès, je dirais qu’en tout premier lieu ils ont été initiés par les partenaires sociaux qui ont été parties prenantes dès le tout début et qui se sont appropriés l’opération. Ils ont été produits par des artistes locaux qui ont créé des personnages reconnaissables et des histoires très intéressantes», conclut Rolf Buchel, conseiller technique en chef du projet de l’OIT, financé par la Finlande – De la crise à des emplois décents et sûrs – qui a soutenu la production de ces dessins animés. «Une autre raison, c’est que les dessins animés n’étaient pas une action isolée; ils s’inscrivaient dans une campagne d’envergure nationale pour lutter contre l’économie informelle et dans la campagne mondiale visant à promouvoir la recommandation N° 204 de l’OIT

Parallèlement, les héros des dessins animés devraient bientôt donner naissance à des affiches – les syndicats kirghizes sont déjà en train d’envisager une campagne d’affichage.