Sécurité et santé au travail dans la construction

Prévention: la bonne clé pour renforcer la sécurité

De règles inapplicables à l’initiative personnelle, un programme soutenu par l’OIT en Indonésie plante les germes d’une culture de la sécurité et de la santé au travail dans l’esprit des travailleurs et des employeurs.

Reportage | Indonesia | 31 juillet 2015
ABE PURA, Papouasie, Indonésie (OIT Info) – A environ 20 mètres au-dessus du sol, perché sur une structure d’acier complexe située à l’orée de la luxuriante forêt tropicale indonésienne, Lexi Sawa grimpe et dévale habilement les colonnes d’acier. Se déplaçant avec une clé dans la main, il s’arrête à chaque assemblage pour serrer les vis. Ses collègues et lui-même sont en train de construire un hôtel de grande hauteur à Abe Pura, dans la ville de Jayapura, province de Papouasie.

Lexi Sawa travaille dans le secteur de la construction dans la province indonésienne de Papouasie
Lexi Sawa travaille dans le secteur de la construction dans la province indonésienne de Papouasie. Pendant que Lexi Sawa et ses collègues travaillent dur pour solidifier et renforcer la structure d’acier, nul ne se préoccupe de leur sécurité.

«Je me sens plus en sécurité maintenant», confie le jeune homme de 23 ans en exhibant la panoplie complète du matériel de protection: casque, chaussures de sécurité, masque et ceinture de sécurité munie d’une corde solidement attachée à l’une des poutres d’acier. «Je peux faire mon travail de manière plus confortable sans avoir à trop me soucier des risques.»

Pourtant, il ne s’est pas toujours senti aussi en sécurité. Auparavant, il redoutait fortement de chuter de la charpente métallique, en particulier durant la saison des pluies lorsque les surfaces sont glissantes. «Je me suis toujours demandé, s’il m’arrivait quelque chose, qu’adviendrait-il de mes parents?», se rappelle Lexi Sawa. «Ils sont très âgés et ils dépendent de moi.»

Mais, malgré ses inquiétudes, il ne jugeait pas important de prendre des mesures de protection. «Je ne comprends pas grand-chose à la sécurité au travail. L’entreprise nous a fourni l’équipement nécessaire, mais je ne me sentais pas obligé de le porter», explique-t-il.

Le problème de la prise de conscience

L’entreprise de construction pour laquelle travaille Lexi Sawa, PT Bukit Abe Permai, a elle aussi eu beaucoup de difficultés à faire comprendre à ses quelques 30 salariés l’importance de la sécurité et de la santé au travail (SST). «Les travailleurs avaient peur du responsable de la SST», rappelle Yuti Yusran, le Directeur général. «Il est effectivement difficile de parler des problèmes de SST avec les travailleurs.»

En conséquence, il y avait énormément d’incidents et d’accidents de sécurité, qui se traduisaient par un coût à la fois humain et financier.

L’an dernier, un travailleur s’est blessé au pied en marchant sur des bris de verre parce qu’il ne portait pas de chaussures de sécurité. Il y a deux ans, un travailleur en sous-traitance est décédé en allant chercher des matériaux de construction. Même s’il est décédé des suites d’une maladie soudaine plutôt que d’un accident, l’entreprise a dû verser 50 millions de roupies (4000 $ E.-U.) pour les obsèques et à titre de dédommagement.

Travailleurs de la construction dans la province de Papouasie
L’une des causes du problème, explique M. Yusran, est que les travailleurs, comme Lexi Sawa, ne se rendaient pas bien compte de l’importance de la sécurité et de la santé sur le lieu de travail.

Toutefois, le point de vue des travailleurs du bâtiment a commencé à changer lorsque l’entreprise a adhéré à la formation sur l’amélioration du travail dans les petites entreprises de construction (WISCON) en 2014. Cette formation était organisée par le gouvernement indonésien. Le programme de partenariat OIT-Corée a largement contribué au lancement et au déploiement de ce programme.

Mesures de prévention peu coûteuses

La méthode WISCON vise à aider et à encourager les petites entreprises de la construction à mettre en œuvre des mesures peu coûteuses, simples et parfois volontaires en vue de réduire les risques d’accidents et de maladies sur le lieu de travail.

«Avant la formation, la mise en œuvre des mesures de SST était purement théorique et aucune mesure n’était appliquée» explique M. Yusran. «Après la formation, nous avons établi des plans concrets pour mettre en œuvre les mesures de protection.»

Avec la formation WISCON, Lexi Sawa a appris à prendre conscience de la sécurité, à identifier les risques potentiels et à utiliser l’équipement de sécurité. «L’amélioration peut commencer avec de petites choses comme l’évacuation des déchets du lieu de travail ou le rangement des outils», explique-t-il.

Désormais, chaque journée de travail débute par un exposé sur la sécurité. Les travailleurs sont sensibilisés à l’utilisation de l’équipement de sécurité, au port des vêtements de protection et au maintien d’un lieu de travail propre.

La prévention paie

D’un point de vue commercial, M. Yusran constate aussi les avantages. «Les travailleurs se concentrent davantage sur leur travail et sont moins préoccupés par les risques sur le lieu de travail», explique-t-il.

Herdian Tobo, l’inspecteur du travail local, a lui aussi vu le changement – les travailleurs ne cherchent plus à l’éviter. «La Papouasie est une région éloignée du reste du pays, et il est très difficile pour moi de visiter tous les lieux de travail ou chantiers de construction», ajoute-t-il. D’où la nécessité d’aider les travailleurs et les employeurs à créer une «culture de la sécurité» sur le lieu de travail.

Une culture de la sécurité, c’est ce que l’OIT s’efforce de mettre en place dans quelques 65 entreprises de construction en Papouasie, ainsi que dans d’autres régions de l’Indonésie.

«Le secteur de la construction affiche le taux d’accidents tant mortels que non mortels le plus élevé de tout le pays. L’OIT collabore avec le gouvernement indonésien pour améliorer les conditions relatives à la SST des travailleurs du bâtiment», explique Julia Lusiani, administratrice de programme de l’OIT en poste au bureau de l’OIT à Djakarta. «On se réjouit de constater que la formation WISCON a aidé à sensibiliser à la fois les employeurs et les travailleurs à l’importance de la SST, ce qui s’est traduit par une amélioration des conditions de travail et par une réduction du nombre d’accidents.»

Le gouvernement indonésien se félicite du soutien apporté par le programme de partenariat OIT-Corée. «L’approche participative associant à la fois les inspecteurs du travail, les travailleurs et les employeurs pour examiner les pratiques positives existantes encouragera tant les travailleurs que les employeurs à poursuivre les améliorations sur le lieu de travail», déclare Mudji Handaya, directeur général de l’inspection du travail, ministère de la Main-d’œuvre, Indonésie.

A l’aide de sa clé, Lexi Sawa serre consciencieusement son dernier boulon de la journée. Après avoir remis son équipement à sa place et ôté son équipement de travail, il se dispose à rentrer chez lui. «J’espère que mes collègues de travail et moi-même auront l’occasion de suivre d’autres formation à la SST», indique Lexi Sawa. «J’ai le sentiment que c’est vraiment utile et pratique.»