Données sur la main-d’œuvre

Myanmar: Enquête sur la population active

Par son caractère exhaustif, la première enquête sur la population active menée au Myanmar depuis un quart de siècle permettra, en octobre prochain, d’obtenir des données utiles pour définir les politiques de l’emploi dans le pays.

Article | 26 juin 2015
GENÈVE (OIT Info) – L’Organisation internationale du Travail (OIT) a étendu ses activités au Myanmar et dispose d’un important programme d’activités dans le pays.

Alors que le Myanmar est en train de s’ouvrir, OIT Info s’est entretenu avec Debi Mondal, Conseiller technique en chef pour le Projet d’enquête sur la main-d’œuvre au Myanmar.

Le travail de terrain étant maintenant achevé et les résultats attendus pour cet automne, M. Mondal a décrit l’enquête nationale sur la main-d’œuvre qu’il dirige depuis ses bureaux de Naypyidaw, capitale du Myanmar.

OIT Info: Pourquoi avons-nous besoin d’une enquête sur la main-d’œuvre au Myanmar?

D. Mondal: Il y a vingt-cinq ans, le ministère du Travail avait mené une enquête sur la main-d’œuvre au Myanmar avec l’appui de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Mais rien n’avait été fait depuis. En outre, la précédente enquête n’intégrait aucune donnée relative au travail des enfants ni à la transition des jeunes vers la vie active. Nous avons besoin de données actualisées qui soient aussi d’une grande fiabilité. Certaines restrictions ont été levées à mesure que le pays tournait le dos à des décennies d’isolement politique et économique pour une société plus ouverte, nous avons donc entamé une phase de planification du projet dès décembre 2013 lorsque les activités de l’OIT ont été étendues, au-delà du travail forcé, à d’autres domaines.

OIT Info: Quel est le champ de l’enquête?

D. Mondal: Elle couvre une série de sujets liées aux statistiques du travail telles que la main-d’œuvre, le travail des enfants, la transition de l’école vers la vie active, le handicap et les migrations, ainsi que les accidents du travail et les risques professionnels. En outre, pour la première fois, nous nous sommes intéressés à la main-d’œuvre qui produit des biens de consommation pour les ménages, comme l’agriculture de subsistance.

OIT Info: Quand toutes ces données auront été analysées, qu’en ferez-vous?

D. Mondal: Les données vont être vraiment utiles et viendront alimenter les politiques d’emploi. Pour disposer de politiques adéquates et efficaces, des données concrètes, exactes et actualisées sont indispensables.

OIT Info: Comment a été réalisée l’enquête sur la main-d’œuvre du Myanmar?

D. Mondal: Il s’agissait d’une enquête auprès des ménages, les entretiens ont donc été réalisés avec des familles. Il y a environ 81 000 zones de recensement – il s’agit de petites poches géographiques qui couvrent l’intégralité du pays. Nous avons constitué un échantillon de 1500 de ces zones de recensement et sélectionné 16 ménages dans chacune d’elles en utilisant une méthode d’échantillonnage scientifique. Nous avons donc interrogé quelque 24 000 ménages au total à travers tout le pays. Nous avons posé plus de 200 questions à chacun des membres du ménage, y compris les enfants ou leurs représentants. En cas d’absence d’un membre du foyer, nous avons aussi parlé à un représentant, notre information est donc aussi complète que possible.

OIT Info: Quel type de questions avez-vous posé?

D. Mondal: Après avoir noté le nom et le sexe, nous avons demandé les caractéristiques du ménage puis des particularités liées aux membres du foyer: situation de handicap; migration au sein du pays ou à l’extérieur; éducation; personne qui travaille ou pas, à son propre compte, à la recherche d’un emploi; type de rémunération versé; durée hebdomadaire de travail; accès ou non de la personne à la sécurité sociale; accidents du travail et risques professionnels. Nous avons demandé des détails concernant le parcours scolaire: les études sont-elles achevées? Quand l’ont-elles été? Comment la transition vers la vie active s’est-elle opérée? Nous avons examiné le travail des enfants, demandant des précisions sur les caractéristiques du travail des enfants, notamment la dangerosité des conditions de travail.

OIT Info: Quand s’est déroulé le travail d’enquête et quand espérez-vous avoir les résultats?

D. Mondal: Le terrain s’est déroulé du 1er janvier au 31 mars 2015. Les données sont actuellement en cours de traitement et d’analyse et nous devrions avoir les résultats de l’enquête en octobre prochain.

OIT Info: Avez-vous déjà une idée des principaux résultats?

D. Mondal: J’ai une idée des résultats dans certaines régions, mais nous devons vraiment attendre quelques mois supplémentaires pour une analyse complète, en raison de la complexité de notre questionnaire. Avec plus de 200 questions posées à chaque membre des 24 000 ménages, nous avons recueilli beaucoup d’informations. J’ai hâte de lire les résultats.

OIT Info: Je crois que vous avez dû surmonter un certain nombre de difficultés pour mener votre enquête…

D. Mondal: La principale difficulté était le manque d’expertise locale pour mener ce type d’enquête puisque c’était la première enquête auprès des ménages du ministère du Travail au Myanmar. Au sein du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, une toute petite unité, dénommée Unité de la main-d’œuvre, dirigée par un directeur adjoint, en charge des statistiques au sein du ministère.

OIT Info: Comme avez-vous géré cette contrainte?

D. Mondal: L’OIT a fait beaucoup de formation et organisé des ateliers au Myanmar et à l’étranger dans des villes comme Istanbul et Turin. Plus de 200 personnes – des fonctionnaires gouvernementaux – ont été formées aux statistiques du travail, c’est-à-dire sous ses aspects pratiques et théoriques, y compris l’analyse des données. Les stagiaires étaient principalement issus du ministère du Travail et de l’Organisation centrale de statistique, mais aussi du ministère de l’Enseignement technique et professionnel, du ministère de la Population et de celui de la Planification éducative et de la Formation.

OIT Info: Avez-vous pu accéder à tous les ménages avec votre échantillon?

D. Mondal: Nous avons pratiquement couvert tout le pays. Il regroupe 15 Etats et une population de faible densité de 51 millions d’habitants, selon le recensement de 2014. L’Etat du Shan était la seule exception liée au conflit mais, même là, nous avons touché 85 pour cent des ménages et nous réfléchissons, en ce moment-même, pour savoir s’il faut essayer ou non d’atteindre les 15 pour cent restants. Le taux de réponse à l’ensemble de l’enquête était tout près des 100 pour cent. Au Myanmar, des chefs communautaires représentent les foyers par groupe de dix et par groupe de cent . Ce système pyramidal et l’autorité de ces chefs nous ont certainement aidés à mener ce travail à bien.

OIT Info: Quelle impression générale avez-vous de ce projet?

D. Mondal: Les personnes impliquées ont accompli un excellent travail. Les gens sont très sincères et ils ont très envie d’apprendre de nouvelles choses.