Migration et intégration

Un centre pour les travailleurs de Jordanie se révèle être un lieu vital pour les migrants

En moins d’un an, le centre pour les travailleurs de la zone industrielle Al Hassan en Jordanie est devenu un modèle au service des travailleurs migrants.

Article | 4 août 2014
RAMTHA, Jordanie (OIT Info) – Malala travaille en équipe et effectue des journées de 13 heures, six jours par semaine, dans l’une des nombreuses usines de confection implantées en Jordanie, dans la zone industrielle Al Hassan, dans les faubourgs poussiéreux de la ville de Ramtha à quelques 70 kilomètres au nord d’Amman, la capitale du pays.

Malala
Comme de nombreux autres travailleurs de l’industrie du vêtement, la jeune femme âgée de 25 ans, originaire de Madagascar, se rend en fin de semaine au centre pour les travailleurs de la zone industrielle Al Hassan. Le centre est le premier du genre dans le pays au service des travailleurs du secteur de la confection, lequel a généré en 2013 1,3 milliards de dollars E.-U. de recettes d’exportation, soit 18 pour cent de l’ensemble des exportations jordaniennes.

«Je viens ici tous les vendredis pour danser, me connecter sur Internet et parler avec ma famille restée au pays», explique Malala.


Une salle de sport flambant neuve


Indika Prasanna
Pour évacuer le stress occasionné par son travail d’assistant commercial, Indika Prasanna, un Sri lankais de 29 ans, fréquente tous les jours le gymnase flambant neuf du centre. «Je ne bouge quasiment pas de la journée et, si cela m’arrive, c’est uniquement pour aller à la cantine ou aux toilettes. Mais depuis que le centre a ouvert ses portes, tout a changé», dit-il. «Avant j’étais toujours fatigué mais, maintenant, je me sens beaucoup mieux, notamment pendant mes longues journées de travail.»

Poraush Kumar
A côté de lui, Poraush Kumar, un agent de sécurité de 27 ans originaire d’Inde, soulève des haltères, expliquant qu’il tient à garder la forme en prévision de son mariage en novembre prochain. «Avant l’ouverture du gymnase dans le centre, je faisais des exercices dans le dortoir mais il y avait trop de monde et on ne disposait pas de l’équipement approprié.»

Sur les 25 000 travailleurs que compte la zone, environ 16 000 sont employés dans des usines de textile. La grande majorité d’entre eux – environ 80 pour cent – sont des migrants provenant du sous-continent asiatique, principalement de l’Inde, du Sri Lanka et du Bangladesh. La zone est l’un des 14 parcs industriels de libre-échange, que l’on désigne sous le nom de zones industrielles qualifiées (ZIQ).


Des services ouverts à tous

Depuis qu’il a ouvert ses portes dans la zone industrielle Al Hassan à la fin de l’année dernière, le centre fait désormais partie intégrante de la vie de nombreux travailleurs migrants. A l’origine, il a été conçu par le programme Better Work Jordanie – une initiative menée conjointement par l’Organisation internationale du Travail (OIT) et la Société financière internationale (SFI) – en vue d’améliorer les conditions de vie et de travail des dizaines de milliers de travailleurs employés dans l’industrie de la confection en Jordanie, un secteur en expansion rapide.

Le centre bénéficie également du soutien de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), de la Jordan Industrial Estates Corporation, de la Chambre d’industrie d’Irbid, du Syndicat général des travailleurs des industries du textile et de l’habillement, et de l’Association jordanienne des exportateurs de vêtements, accessoires et textiles. Des usines de confection locales et plusieurs marques internationales de vêtements exerçant leurs activités en Jordanie se sont ralliées au projet.

«Ces travailleurs vivent très loin de chez eux. Le centre a commencé à vraiment changer leur vie en mettant à leur disposition un lieu de détente et de loisirs, en leur permettant d’améliorer leurs compétences ou en leur offrant la possibilité de demander de l’aide», explique Emily Hylton, chargée de liaison au centre pour les travailleurs.

Le centre, qui est ouvert cinq soirs par semaine et toute la journée le vendredi – jour de repos hebdomadaire en Jordanie –, permet aux travailleurs de toutes nationalités de jouer au criquet, de pratiquer le yoga, d’avoir accès à Internet, d’assister à des expositions d’art et de se réunir pour célébrer les fêtes nationales ou religieuses.

Outre la salle informatique et le gymnase, le centre, structure très simple et néanmoins très fonctionnelle, inclut aussi une cantine, des équipements sportifs extérieurs et des salles de classe où l’on peut suivre des cours d’anglais et d’informatique, ainsi que des cours de formation aux fonctions de direction des femmes. Il permet aussi à des milliers de travailleurs employés dans la zone industrielle d’avoir accès à une assistance juridique et de bénéficier d’un soutien syndical.

Soutenir le travail décent


Il y a quelques années, il était difficile, voire impossible, pour les milliers de travailleurs du secteur de l’habillement de la zone industrielle Al Hassan, d’avoir accès à des services et installations désormais disponibles au centre. Aujourd’hui, des projets sont en cours pour permettre aux travailleurs de la zone d’intervenir directement dans la gestion du centre et de renforcer ainsi leur sentiment d’appropriation de ce lieu, tout en garantissant sa viabilité à long terme.

«Si le programme Better Work Jordanie a aidé à la création du centre pour les travailleurs, on ne pourra juger de sa réussite à long terme qu’en déterminant dans quelle mesure le centre est considéré par les travailleurs comme leur centre», explique Phil Fishman, administrateur du programme Better Work Jordanie. «Jusqu’ici, il semblerait que le centre ait pris un bon départ.»

Conçu à l’origine comme un projet pilote, un plan de viabilité destiné à permettre au centre pour les travailleurs de s’autofinancer d’ici les deux prochaines années a désormais été mis en place. Le programme Better Work Jordanie espère que les installations seront bientôt financièrement autonomes grâce aux cotisations des membres et aux contributions des parties prenantes du secteur de la confection, y compris les usines locales et les marques internationales.

Si ce modèle de centre se révèle fructueux, il est envisagé de le reproduire dans tout le pays.