Entreprenariat des jeunes

Agriculture et emploi des jeunes: Le chaînon manquant

Le secteur agricole possède un gros potentiel de création d’emplois mais il doit redorer son image afin d’attirer davantage de jeunes. Pour ce faire, les gouvernements doivent proposer une éducation et une formation appropriées.

Reportage | 14 février 2014
Bangkok (OIT Info) – Suk Moo Lee fait sensation dans sa Corée natale: il a associé agriculture et camping pour inventer «le camping à la ferme» sur les terres où il produit des myrtilles. En 2013, son innovation lui a rapporté 200 000 dollars de bénéfices.

Suk Moo a troqué ses chaussures cirées pour des bottes de travail en 2010, quittant la capitale Séoul pour la campagne d’Eumseong-gun pour lancer son entreprise.

«Quand j’étais enfant, je rêvais de devenir entrepreneur. Après avoir étudié les possibilités dans diverses industries, j’ai découvert que le secteur agricole recelait un énorme potentiel de prospérité.»

Son déménagement s’est avéré une sage décision, surtout au plus fort de la crise mondiale de l’emploi qui a frappé si durement les jeunes. Dans les pays développés où les emplois disponibles sont peu nombreux, beaucoup de jeunes sont formés à des métiers inaccessibles ou sans débouchés; et dans les pays en développement, l’absence de protection sociale contraint nombre de jeunes à se risquer dans des emplois de qualité médiocre où les normes minimales du travail ne sont pas respectées.

Les gouvernements s’orientent vers la poursuite de l’enseignement et de la formation professionnelle pour contribuer à contrer la crise de l’emploi des jeunes. L’agriculture peut-elle aussi faire partie de la réponse?

D’un point de vue démographique, cela fait sens. La population mondiale devrait augmenter d’un tiers pour atteindre 9,3 milliards en 2050, ce qui veut dire qu’une population plus nombreuse aura des besoins alimentaires supérieurs.

Nous devons passer des cultures et des récoltes à la diversification d’activités liées à l’agriculture.»
A mesure que de nouvelles fermes de qualité se créeront, des industries connexes dans l’agroalimentaire, l’agrotourisme, la gestion des terres, l’ingénierie mécanique et agricole vont aussi se développer. Les exportations agricoles contribueront à créer des emplois dans l’ensemble de la chaîne de valeur, ce qui sera bénéfique pour les sociétés, les exploitations familiales, les coopératives et les petites et moyennes entreprises à la conquête de nouveaux marchés.

Suk Moo pense que l’évolution mondiale de l’urbanisation crée des débouchés agricoles dans les zones rurales.

«Nous devons passer des cultures et des récoltes à la diversification d’activités liées à l’agriculture. Il est impératif de mettre en contact les populations rurales et citadines», a-t-il déclaré en faisant référence à son nouveau produit, le «camping à la ferme».

Mais l’agriculture est-elle attrayante?


L’agriculture représente 32 pour cent de l’emploi total dans le monde et 39 pour cent dans les pays en développement d’Asie et du Pacifique, selon le Rapport sur les tendances mondiales de l’emploi 2014 de l’OIT.

Pourtant, elle apparaît rarement en tête des choix de carrière «les plus populaires» chez les jeunes. Elle est perçue comme un vestige du passé et l’antithèse du progrès.

Même si la tendance s’accentue dans les économies industrialisées, y compris en Corée ou en Australie, d’une offre d’enseignement centré sur l’agriculture et d’incitations pour que les jeunes investissent en zone rurale, le retour aux campagnes dans les pays en développement reste associé à la pauvreté, l’informalité et l’archaïsme. Suk Moo admet que cela ne fut pas facile pour lui dans un premier temps.

«Comme je suis un entrepreneur relativement jeune et que je manque d’expérience professionnelle dans la production de myrtilles, j’ai eu des difficultés à construire une infrastructure solide et à établir un réseau pour mon activité… Je ne suis pas né dans une commune agricole et j’ai dû apprendre les techniques de l’agriculture et la technologie en partant de zéro.»

Etudier l’agriculture


Améliorer l’enseignement tertiaire agricole pourrait constituer une des solutions pour renforcer l’attrait d’un secteur qui devrait semble-t-il connaître un boom dans les décennies à venir.

Il existe de grandes marges de progression. En Mongolie par exemple où 32 pour cent de l’emploi se trouvent dans l’agriculture – selon les statistiques de l’OIT – seulement 2,35 pour cent des étudiants sont titulaires d’un diplôme agricole. En Malaisie, ce ratio n’est que de 0,75 pour cent. Le Viet Nam est le pays qui s’en sort le mieux dans la région, mais avec seulement 7,99 pour cent.

Impliquer les jeunes


Suk Moo pense qu’investir dans l’agriculture pourrait être extrêmement profitable pour les jeunes et pour les pays en développement.

«Le secteur agricole recèle un énorme potentiel de croissance. Ce serait une riche idée pour le gouvernement d’adopter une approche plus systématique pour encourager et soutenir les nouveaux entrepreneurs agricoles et les agriculteurs afin qu’ils réussissent à gérer leurs propres fermes et leurs entreprises agroalimentaires.»

Emploi des jeunes: Faits et chiffres
  • 74,5 millions de jeunes – âgés de 15 à 24 ans – étaient au chômage en 2013, une hausse de plus de 700 000 par rapport à l’année précédente.
  • Le taux mondial du chômage des jeunes a atteint 13,1 pour cent, presque trois fois celui du taux de chômage des adultes.
  • En 2013, il y avait 37,1 millions de jeunes dans l’emploi de moins qu’en 2007.
  • Le taux d’activité des jeunes dans le monde, qui s’élevait à 47,4 pour cent en 2013, était de 2 points de pourcentage inférieur à celui d’avant la crise, parce que davantage de jeunes ont quitté le marché du travail.
  • Dans la catégorie des 15-29 ans, la part des jeunes qui n’ont pas d’emploi et ne suivent ni études ni formation (les NEET en anglais) a augmenté dans 30 des 40 pays pour lesquels nous disposons de données pour 2013.
  • Dans les pays en développement, 6 travailleurs sur 10 parmi les 15-29 ans ne disposaient pas d’un contrat de travail stable, 6 sur 10 percevaient un salaire inférieur à la moyenne et 8 sur 10 avaient un emploi informel en 2012.
Source: Tendances mondiales de l’emploi 2014 et Tendances mondiales de l’emploi des jeunes 2013


Une version de cet article de Matthieu Cognac, Spécialiste de l’emploi des jeunes au Bureau régional de l’OIT pour l’Asie-Pacifique, est parue dans le Huffington Post.