Jordanie
Quitter une enfance au travail
Nabeel, adolescent jordanien, ne travaille plus comme mécanicien auto. Il a repris l’école à temps plein.
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Bien qu’âgé de 14 ans seulement, Nabeel a commencé à travailler très tôt car il avait des difficultés scolaires. L'âge légal d’admission à l’emploi est de 16 ans.
«Un jour, j'ai décidé d’aller chercher du travail et j'ai trouvé une place dans un garage», explique-t-il. «Au début, mes parents ne le savaient pas. Mais quand ils l’ont appris, mon père est allé voir mon patron et lui a demandé de prendre bien soin de moi. Je gagnais trois JD (dinars jordaniens) par jour (soit 4,2 dollars des Etats-Unis), que je donnais à mon père.»
Une enquête nationale menée en Jordanie en 2007 avec l’appui de l'OIT a révélé que plus de 33 000 enfants âgés de cinq à 17 ans travaillent. Il semble que ce chiffre ait augmenté depuis le début de la crise économique mondiale et avec le nombre croissant de réfugiés syriens en Jordanie.
«Bon nombre de ces enfants sont privés d'école pour aider leur famille financièrement», explique Shawkat Al-Eswid, un inspecteur du travail. «La pauvreté et les conditions de vie difficiles sont des facteurs déterminants qui influencent l’évolution du travail des enfants dans le pays.»
Retour à l'école
Les enfants qui abandonnent l'école pour travailler ont rarement la chance de pouvoir retourner en classe. Or Nabeel est de nouveau scolarisé à temps plein, grâce au cadre national de lutte contre le travail des enfants, une initiative gouvernementale soutenue par l'Organisation internationale du Travail (OIT).«Je suis si heureux d'être de retour à l'école», déclare-t-il. «Au garage, je travaillais 12 heures par jour sous un soleil de plomb et je ne mangeais pas grand chose. Maintenant, je suis scolarisé environ cinq heures par jour et je suis libre de faire ce que bon me semble le reste de la journée.»
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C’est grâce à un travail d'équipe que Nabeel a pu retourner à l'école, depuis le travailleur social, qui a attentivement évalué ses besoins, jusqu’à l’inspecteur du ministère du Travail, qui a clairement expliqué à l'employeur de Nabeel les lois jordaniennes relatives au travail des enfants.
«Nous voulons aider les enfants âgés de moins de 18 ans à mener une vie normale, loin du travail illégal», souligne Asma Robo, observateur du comportement auprès de la section du ministère du Développement social de Rusaifah.
De son côté, l'OIT offre ses compétences pour aider à améliorer la coordination globale du cadre national de lutte contre le travail des enfants, ce qui inclut le renforcement des systèmes d’orientation pour les cas de travail des enfants et la création d'une base de données qui permettra aux ministères et aux organismes publics de suivre de près les enfants qui ont été employés illégalement.
Cette base de données recueille des informations sur l'enfant et sa famille fournies par trois ministères – éducation, travail et développement social –, qui peuvent y avoir accès, tout comme d'autres partenaires nationaux.
«Renforcer les systèmes de suivi des affaires est déterminant pour mettre en place un système efficace de surveillance du travail des enfants», explique Nick Grisewood, conseiller technique principal du projet de l'OIT intitulé Moving Towards a Child Labour Free Jordan (vers une Jordanie sans travail des enfants). « Le cas de Nabeel montre l'impact positif de ces systèmes une fois qu'ils sont en place et opérationnels.»
Aide à la famille
Après avoir évalué la situation de la famille de Nabeel et l'avoir convaincu de retourner à l'école, son directeur d'école et le ministère du Développement social collaborent avec l'adolescent et sa famille pour veiller à ce qu'il reste scolarisé à temps plein.«Actuellement, nous unissons nos efforts pour essayer de venir en aide à ces enfants, soit en les réintégrant dans le milieu scolaire, auprès de leurs amis, soit en apportant à leur famille un soutien financier par le biais d'institutions et de programmes œuvrant dans ce domaine», explique Ahmad Armoush, responsable de la section du ministère de l'Enseignement général de Rusaifah.
Jusqu'ici, environ 50 cas de travail des enfants ont été identifiés à Rusaifah depuis mars 2013, et un soutien leur est désormais apporté. Dix autres ont été identifiés dans la région de Mafraq.
Ces activités pilotes de mise en œuvre du cadre national de lutte contre le travail des enfants serviront de modèles qui pourront être reproduits ailleurs dans le pays, et éventuellement dans toute la région.
Le programme vise à donner espoir aux milliers d'enfants qui, comme Nabeel, veulent profiter de leur enfance avant de se consacrer, une fois devenus adultes, à la recherche d’un emploi productif et gratifiant.
«Quand je serai grand, je veux travailler dans l’installation d’appareils de climatisation», explique Nabeel. «Et je veux que les gens sachent que, désormais, je sais lire et écrire et que j’ai reçu une éducation.»
* Le projet de l'OIT intitulé Moving Towards a Child Labour Free Jordan, financé par le ministère du Travail des Etats-Unis, est le premier de ce type à être entrepris par le Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC). Il vise principalement à soutenir le gouvernement et les partenaires nationaux dans la mise en œuvre pratique de cadres stratégiques axés sur le travail des enfants.