Journée mondiale pour la sécurité et la santé au travail

Combattre un fléau invisible qui tue lentement

Les carrières de pierre figurent parmi les lieux de travail les plus dangereux du Viet Nam. L’Organisation internationale du Travail (OIT) contribue à renforcer l’auto-inspection et la formation à la sécurité et la santé au travail (SST) pour essayer de rendre le travail dans les carrières plus sain et plus sûr.

Reportage | 23 avril 2013
Dang Quoc Dai, foreur à la carrière de Hung Thinh
© OIT/Hoa Tran
HA TINH, VIET NAM (OIT Info) – Les vents du nord ont soufflé toute la nuit dans la province centrale de Ha Tinh – l’une des régions les plus pauvres du Viet Nam, et la température de 40 degrés s’est rafraîchie.

La chute de la température est un grand soulagement pour la trentaine de travailleurs de la carrière de Hung Tinh.

Dang Quoc Dai, un foreur, est heureux de commencer une nouvelle journée – il a enlevé ses gants et mis son masque dans la poche de sa chemise.

«Généralement, je ne porte pas de masque ni de gants, en particulier par un temps frais et quand il fait du vent comme aujourd’hui», explique ce père de deux enfants, âgé de 32 ans.

L’industrie dans laquelle il travaille depuis trois ans est tristement célèbre pour ses accidents du travail mortels mais elle se caractérise aussi par un taux alarmant de maladies professionnelles. Chaque année, des milliers de travailleurs sont victimes de maladies qui peuvent être fatales faute de traitement.

«Regardez! Je suis en bonne santé», crie-t-il pour se faire entendre tout en plaçant ses mains ridées et brûlées par le soleil sur une machine qui effectue des forages dans une zone montagneuse et poussiéreuse.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la silicose – une maladie pulmonaire causée par l’inhalation de poussières de silice cristalline – est l’un des problèmes de santé les plus fréquents que rencontrent les travailleurs des carrières du Viet Nam.

En 2011, 76 pour cent des indemnisations pour maladie professionnelle au Viet Nam concernaient la silicose.

Les symptômes de cette maladie incurable apparaissent habituellement après plusieurs années mais s’aggravent en cas d’exposition intense, provoquant des essoufflements, des pertes auditives, des faiblesses, des pertes de poids et, en fin de compte, la mort.

Auto-inspection et formation


Pour prévenir les maladies professionnelles dans le secteur, le bureau de l’OIT au Viet Nam a commencé à élaborer des outils d’auto-inspection et de formation sur les normes de sécurité dans les carrières. Cette initiative fait partie d’un projet financé par le Japon, Sécurité et santé au travail dans les travaux dangereux.

Au Viet Nam, les violations des règles de sécurité et santé au travail sont courantes dans les carrières de pierre qui sont souvent de petite taille et recourent au travail manuel. Il est important d’améliorer l’auto-inspection et la formation pour sauver la vie des travailleurs dans ce secteur dangereux.

Chaque entreprise doit s’auto-inspecter et former les travailleurs et les responsables directs de la production en matière de sécurité et de santé.»
«Nous ne disposons pas de suffisamment d’inspecteurs de l’Etat, la seule solution consiste donc à promouvoir l’auto-inspection», explique Bui Hong Linh, vice-ministre du Travail, des Invalides et des Affaires sociales. «Chaque entreprise doit s’auto-inspecter et former les travailleurs et les responsables directs de la production en matière de sécurité et de santé.»

Selon le ministère, beaucoup de travailleurs du secteur sont titulaires de contrats saisonniers ou à court terme qui leur donnent moins de chances de formation, y compris aux questions de SST.

«Ils viennent essentiellement de la campagne et manquent des compétences professionnelles appropriées et d’une discipline de travail», constate le vice-ministre.

Les exploitants eux-mêmes ont tendance à minimiser la véritable étendue du problème. En visitant le site de production au milieu des poussières de silice, le contrôleur en chef de la carrière de Hung Tinh, Le Thao Trung, ne porte pas de masque de protection.

«Pourquoi aurais-je besoin d’un masque quand le temps est si agréable? Nous n’en avons besoin que pour les journées chaudes, quand cela devient vraiment poussiéreux», déclare-t-il.

Tran Dinh Thang, directeur d’une autre carrière du district de Hong Linh, dans la province de Ha Tinh, ne sait pas quel type de masque il devrait acheter pour ses 40 employés.

«Nous distribuons de nouveaux masques deux fois par an et ils sont tous de type normal [sans filtre]. Nous disposons d’un budget d’environ 30 millions de dongs (plus de 1 400 dollars) par an pour acheter des équipements de protection mais, honnêtement, je ne sais pas lequel convient le mieux aux employés d’une carrière», explique-t-il.

La chaîne de montagnes Hong Linh qui fut la source d’inspiration de tant d’artistes et de musiciens abrite 13 carrières de pierre, offrant du travail à plus d’un millier d’habitants du district de Hong Linh. Les travailleurs du secteur – aux termes de la loi – devraient subir deux contrôles médicaux complets par an. Cependant, seules sept entreprises ont envoyé leurs employés au centre local de médecine préventive pour des contrôles de santé l’an dernier. Le centre a décerné des certificats médicaux de «grade A» à la plupart des travailleurs examinés, même s’il ne dispose pas d’un équipement adéquat pour détecter la silicose.

Favoriser la compréhension de la SST


L’outil d’auto-inspection mis au point par l’OIT en coopération avec le ministère du Travail est censé promouvoir une meilleure compréhension des enjeux de sécurité et de santé dans les carrières.

Au lieu des réglementations gouvernementales sur la SST, qui sont difficiles à comprendre et éparpillées dans divers documents, un aide-mémoire d’inspection facile d’utilisation sera fourni aux entreprises – en particulier les plus petites du secteur – en même temps qu’une formation.

«Si les entreprises et les travailleurs connaissent les exigences comme celles qui concernent la concentration de poussière, les explosions à la dynamite, les contrôles médicaux et les équipements de sécurité, ils peuvent les suivre de leur propre initiative ou avec notre aide, pour garantir un lieu de travail sûr», affirme Nguyen Thai Hoa, coordinateur national du projet de l’OIT au Viet Nam.

Heureusement, c’est aussi ce que recherchent un grand nombre des exploitants de carrière comme Tran Dinh Thang.

«Nous voulons que l’on nous montre ce qui pourrait être fait pour améliorer les conditions de travail dans les carrières», ajoute-t-il.

Le travail décent, c’est un travail sûr.»
 
Pour le directeur pays de l’OIT au Viet Nam, Gyorgy Sziraczki, la création d’une culture de la sécurité peut faire que «le travail donne la vie et n’en prend pas». Après tout, dit-il, «le travail décent, c’est un travail sûr».

A l’occasion de la Journée mondiale pour la sécurité et la santé au travail (le 28 avril), l’OIT appelle à agir d’urgence à l’échelle mondiale pour lutter contre les maladies professionnelles qui coûtent environ 2 millions de vies par an.


Faits et chiffres sur la santé et la sécurité au travail

  • 2,02 millions de personnes meurent chaque année de maladies liées au travail.
  • 321 000 personnes meurent chaque année d’accidents du travail.
  • 160 millions de maladies professionnelles non mortelles par an.
  • 317 millions d’accidents du travail non mortels par an.
Cela signifie que:
  • Toutes les 15 secondes, un travailleur meurt d’une maladie ou d’un accident lié au travail.
  • Toutes les 15 secondes, 151 travailleurs sont victimes d’un accident du travail.
Les décès et les blessures frappent très lourdement les pays en développement, où une grande partie de la population exerce des activités dangereuses, comme l’agriculture, le bâtiment, la pêche et les mines.