Envoyer un signal fort: aider les travailleurs migrants du Myanmar en Thaïlande

Plus de 80 pour cent des travailleurs immigrés en Thaïlande viennent du Myanmar. Une radio communautaire a capté leur attention en les aidant à comprendre les lois thaïlandaises sur l’immigration et à connaître leurs droits au travail. Reportage d’Allan Dow.

Article | 25 juin 2012
CHIANG MAI, Thaïlande – Quand Aung San Suu Kyi s’est adressée aux délégués de la 101e Conférence internationale du Travail le 14 juin dernier, elle a notamment évoqué les deux millions de Birmans qui ont franchi la frontière avec la Thaïlande à la recherche d’un emploi.

La Présidente de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) au Myanmar a déclaré que la Thaïlande et le Myanmar n’avaient «aucune politique d’immigration claire», ce qui se traduisait par le fait que «de nombreux migrants subissaient toujours des violations importantes et fréquentes de leurs droits parce que ni le Myanmar ni la Thaïlande n’avaient adopté une approche fondée sur les droits pour gérer les questions de migration».

Gagnant à peine plus de 6 dollars par jour en moyenne, de nombreux travailleurs migrants du Myanmar sont aux prises avec un système effarant de règles et de procédures relativement coûteuses, rédigées dans une langue qu’ils ne comprennent pas. Et ils ont peu d’interlocuteurs vers lesquels se tourner en cas de problème.

La radio MAP avec son programme hebdomadaire «Des voix sans frontières» est l’un de ces recours. L’émission est diffusée chaque lundi matin sur la radio communautaire FM à Chiang Mai et dans la ville voisine de Mae Sot – une autre région ayant une forte concentration de travailleurs migrants en provenance du Myanmar.

Financée par le Projet TRIANGLE de l’OIT (acronyme anglais désignant une Action tripartite pour protéger les travailleurs migrants de l’exploitation de main-d’œuvre dans la sous-région du Grand Mékong) et AusAID, le programme d’aide internationale du gouvernement australien, cette émission de radio est l’un des programmes produits par la Fondation MAP, une ONG basée à Chiang Mai.

L’émission a réussi à fidéliser ses auditeurs, surtout parce qu’elle est diffusée en Shan, la langue locale de nombreux travailleurs immigrés. Cette émission d’appels a vocation à aider les travailleurs migrants à comprendre les lois thaïlandaises régissant l’immigration et à défendre leurs droits au travail. Des milliers de travailleurs immigrés se mettent à l’écoute de l’émission en direct chaque semaine ou, s’ils ont accès à internet, téléchargent les programmes.

«De nombreux immigrés appellent pendant l’émission», explique Ying Horm, le présentateur de «Voix sans frontières». «Ils discutent des difficultés auxquelles ils sont confrontés et partagent un grand nombre d’informations – ils posent aussi beaucoup de questions».

La plupart de ceux qui écoutent Ying Horm tous les lundis matins sont des ouvriers ou des travailleurs domestiques qui trouvent facile de participer à la partie appels téléphoniques.

La plupart d’entre eux ont des histoires de violations de contrats à raconter ou s’interrogent sur les procédures concernant les permis de travail. Ceux qui relatent des griefs ou des violations de contrat graves sont orientés, hors antenne, vers un service juridique associé au programme pour examiner leur cas et engager des poursuites.

La coordinatrice de la Fondation MAP, Jackie Pollock, explique que «Voix sans frontières» et les autres programmes de la radio offrent aux migrants un espace pour communiquer librement entre eux.

«Depuis des années, les migrants vivent cachés, et quand ils s’aventurent dehors ils ont toujours peur de s’exprimer dans leur langue en public», déclare-t-elle, faisant référence au fait que de nombreux migrants ne sont pas en situation régulière pour travailler en Thaïlande, qu’ils pourraient subir des intimidations, être arrêtés et expulsés.

Elle ajoute que les programmes de radio sont «particulièrement importants pour les travailleurs domestiques qui les écoutent (via leurs récepteurs FM) sur leurs téléphones portables.»

Dans un bâtiment situé à proximité de l’Université de Chiang Mai, un travailleur nommé Mung parle de l’émission: «J’ai été informé de mes droits de travailleur et notamment pour le renouvellement de mon passeport. Elle m’a donc été très utile.»

«Cette émission de radio a joué un rôle essentiel pour informer et protéger les travailleurs migrants», constate Kuanruthai Siripatthanakosol, le coordinateur national de l’OIT pour le projet TRIANGLE en Thaïlande. Elle ajoute que des représentants du gouvernement et des partenaires sociaux dans d’autres villes de Thaïlande – et dans les pays voisins – ont fait part de leur intérêt pour dupliquer ce type de programmes.


Allan Dow travaille pour l’Unité régionale des partenariats au Bureau régional de l’OIT pour l’Asie et le Pacifique à Bangkok.



«Voix sans frontières» est diffusée sur radio MAP chaque lundi matin à Chiang Mai (FM 99) et Mae Sot (FM 102.5). Elle peut aussi être téléchargée sur le site http://www.mapradio.org/

Une vidéo consacrée à Ying Horm et à son émission sur radio MAP a été produite par l’Unité régionale des partenariats de l’OIT.