«N’importe qui peut-il remplir un conteneur?»: L’OIT va débattre de la sécurité dans le secteur en forte croissance des conteneurs

Le marché des expéditions maritimes par conteneur représente environ 16 pour cent du volume des marchandises mondiales transportées (en tonnes). Avec une part de marché qui s’accroît, le risque d’accidents augmente lui aussi, indique un rapport préparé pour le Forum de dialogue mondial de l’OIT sur la sécurité dans la chaîne d'approvisionnement concernant le remplissage des conteneurs qui doit se tenir à Genève les 21 et 22 février 2011. Le forum s’efforcera d’adopter une approche commune tout au long de la chaîne d’approvisionnement afin de garantir l’application des normes adaptées à l’emballage des conteneurs.

Article | 14 février 2011

Le 26 avril 1956, une grue chargeait 58 remorques en aluminium à bord d’un vieux pétrolier amarré à Newark, dans le New Jersey. Cinq jours plus tard, l’Ideal-X arrivait à Houston où 58 camions attendaient pour charger les caisses métalliques et les acheminer à destination. Ce fut le début d’une révolution.

A partir de ces modestes débuts, le concept élaboré par Malcom McLean s’est transformé en une vaste industrie internationale au service du commerce mondial. Cinquante quatre ans plus tard, les caisses en aluminium de 24 pieds de long ont laissé place à des conteneurs de fret international de 20, 40 ou 45 pieds de long, capables de transporter près de 30 tonnes de cargaison et de supporter jusqu’à neuf autres conteneurs tout aussi chargés.

Le marché du transport maritime par conteneur représente environ 16 pour cent du volume mondial des cargaisons en tonnes. Malgré les turbulences qu’ont connues les marchés financiers en 2007, la croissance des 100 principaux ports à conteneurs a globalement augmenté de 6,4 pour cent en 2008.

La conteneurisation continue de se développer – et une proportion plus forte que jamais des conteneurs transporte des cargaisons de la Chine vers les Etats-Unis et l’Europe. Ils proviennent en majorité de chargeurs bien établis, disposant d’installations d’expédition sophistiquées, qui sont conscients des contraintes et des forces qui s’exercent sur les conteneurs d’un bout à l’autre de la chaîne logistique.

Un commerce à risque

Cependant, il est clairement démontré que de nombreux accidents de ce secteur peuvent être attribués à des pratiques insuffisantes dans le domaine de l’emballage des conteneurs, y compris leur surcharge.

«Si vous pensez que n’importe qui peut charger un conteneur, réfléchissez-y à deux fois. Un trajet de conteneurs sur six aboutit à une cargaison endommagée. De nombreux incidents sont causés, ou aggravés, par un mauvais emballage. Les pertes dépassent 5 milliards de dollars par an, selon l’United Kingdom P&I Club, l’une des plus anciennes mutuelles de protection et d’indemnisation dans le monde, précise Marios Meletiou, spécialiste Ports et transport au BIT; il ajoute: «Cela suscite une forte inquiétude, surtout parce que les victimes des accidents liés à des pratiques peu satisfaisantes en ce qui concerne l’emballage des conteneurs peuvent être le public, les travailleurs des transports, ou leurs employeurs, qui n’ont aucun contrôle sur l’emballage des conteneurs.»

Le rapport préparé pour le Forum de l’OIT souligne la nécessité de trouver des solutions pour atteindre les acteurs souvent «lointains» du secteur et garantir qu’ils souscrivent totalement aux directives de bonnes pratiques.

Il signale également que de nombreuses entreprises s’occupant de la mise en conteneur ne comprennent pas toujours l’impératif de charger et d’arrimer efficacement les cargaisons. Dans un certain nombre de cas où les cargaisons ont bougé en cours de route, il apparaît clairement que les chargeurs qui ont rempli les conteneurs n’avaient pas apprécié dans quelle mesure les conteneurs pouvaient bouger pendant le trajet ni combien les forces s’exerçant sur eux évoluaient tout au long de la chaîne logistique.

Des vidéos, comme Any fool can stuff a container (N’importe qui peut remplir un conteneur) produite par l’United Kingdom P&I Club déjà mentionné, fournissent des informations simples et faciles d’accès sur certains aspects du processus d’emballage, mais elles n’expliquent pas toutes les conséquences d’un arrimage défectueux.

Des programmes de formation adaptés sont indispensables

«Pour mieux comprendre la problématique des forces, les empoteurs devraient être invités à participer à des programmes de formation interactifs qui soient facilement accessibles et adaptés. Il serait aussi pertinent de s’interroger sur l’utilité de délivrer un certificat attestant que le candidat a suivi avec succès la formation», explique Marios Meletiou.

Un bon exemple de ces formations nous est fourni par le programme de formation des travailleurs portuaires de l’OIT qui prévoit deux cours spécifiquement dédiés à l’emballage des conteneurs.

L’élaboration de directives sur l’emballage et les bonnes pratiques, ainsi que le programme de formation qui les accompagne, ne sera couronnée de succès que si les entreprises d’empotage et les autres mettent en œuvre ces recommandations. Le Forum de l’OIT passera donc aussi en revue les moyens déployés pour les diffuser: soit la diffusion volontaire des directives sur les bonnes pratiques, soit l’adoption d’une législation spécifique qui exigerait leur respect par les entreprises d’empotage.

«Le rapport du BIT montre qu’il existe une multitude d’acteurs dans les différents secteurs impliqués dans cette chaîne logistique. Une analyse de ses conclusions montre que le chargement et l’arrimage des marchandises, l’établissement des responsabilités et l’application des règles, lois et bonnes pratiques, ainsi que l’interrelation et la communication (ou l’absence de communication) entre tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement pourront avoir un impact sur la sécurité du secteur», conclut Alette van Leur, directrice du Département des activités sectorielles du BIT.