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Micro-assurance et technologie: mettre le high-tech à portée des clients à faible revenu

Quand une jeune femme vivant dans un petit village d’Inde est tombée malade, le traitement dont elle a bénéficié fut l’illustration du rôle que jouent la micro-assurance et la technologie pour apporter la santé et réduire la pauvreté, même dans les régions les plus isolées. Depuis l’Inde, BIT en ligne nous montre comment les prestataires de micro-assurance ont recours à la technologie pour ouvrir la voie à la réduction de la pauvreté et au développement durable.

Article | 18 novembre 2010

YAVATMAL, Inde (BIT en ligne) – Shagun contribuait aux maigres revenus de sa famille en fabriquant et en vendant du pain quand elle est tombée malade. Heureusement, sa voisine Nalina l’avait enrôlée dans un programme d’assurance santé, elle a donc été soignée grâce à un nouvel appareil de diagnostic portatif avec un «système d’aide à la décision clinique» intégré.

Ce système a permis à Nalina d’obtenir rapidement une prescription de médicaments par message écrit (SMS) de la part d’un médecin de la fondation à but non lucratif CARE. Le traitement a non seulement remis Shagun sur pied, mais il représente le nouvel horizon de la micro-assurance: apporter l’innovation technologique et des services de meilleure qualité aux clients isolés tout en maîtrisant les coûts.

La micro-assurance, une assurance mise au service des clients à faible revenu, est devenue une stratégie reconnue de lutte contre la pauvreté au cours des dix dernières années. Le mécanisme de micro-assurance médicale en milieu rural de CARE est axé sur les consultations externes dans les villages et sur la formation des personnels soignants locaux à l’utilisation des appareils de diagnostic high-tech. Le projet a été financé grâce à des subventions de micro-assurance.

Le projet est confronté à d’énormes défis. Seuls 3 pour cent des personnes à faible revenu dans les 100 pays les plus pauvres du monde bénéficient de produits de micro-assurance, ce qui laisse environ deux milliards de personnes sans couverture. Si l’on veut que la micro-assurance leur parvienne, les technologies sont indispensables.

L’accès aux technologies de l’information dans l’hémisphère Sud se développe à une vitesse étonnante. Dans les pays en développement, les abonnements à la téléphonie mobile sont passés de quelques centaines de millions au début du siècle à trois milliards en 2008; en Afrique, on compte environ 40 pour cent d’abonnés à la téléphonie mobile parmi la population. La baisse des tarifs pour le haut débit, la disponibilité accrue de la 3G et la nouvelle génération des technologies sans fil devraient considérablement améliorer l’accès à Internet ces prochaines années.

En outre, la «fracture numérique mondiale» pourrait aussi avoir de bons côtés, les pays en développement «sautant par-dessus» les phases obsolètes de la technologie pour accéder directement aux dernières évolutions. Ces progrès, comme les données par satellite, le système de repérage mondial GPS et les terminaux de paiement électronique dans les points de vente, sont autant de manières d’améliorer la micro-assurance.

Selon le World Resources Institute, «la technologie contribue doublement au développement des services financiers: elle réduit les coûts et abolit les distances physiques». Ces deux questions – des coûts de transaction élevés et des clients disséminés et difficiles à atteindre – représentent deux des plus grands obstacles à l’essor de la micro-assurance. Les partenaires du Fonds pour l’innovation en micro-assurance testent diverses solutions technologiques pour surmonter ces deux défis.

Apporter une valeur ajoutée aux clients

A l’instar de Shagun, les plus pauvres vivent souvent dans des régions isolées, rendant difficile l’accès à la micro-assurance. Les prestataires de micro-assurance expérimentent des innovations technologiques pour pallier ces distances. Les terminaux de paiement électronique sont une solution possible – ils permettent aux consommateurs de souscrire leur police et d’acquitter leurs primes à distance, économisant du temps et de l’argent. Les téléphones portables peuvent aussi être mis à contribution: au Kenya, la British American Insurance (Britak) a récemment lancé un nouveau produit d’assurance accident personnelle qui prévoit l’adhésion et le paiement des primes au moyen des téléphones cellulaires.

La micro-assurance santé offre aussi des occasions uniques d’innovation technologique pour accroître la valeur de la clientèle. La dimension de télémédecine du produit proposé par CARE est un autre apport utile, puisque de nombreux clients pauvres vivent dans des régions où les médecins sont rares. La technologie joue aussi un rôle essentiel dans les systèmes d’assurance santé qui offrent des prestations «sans avance en espèces» et dans la détection de la fraude.

Pour être viable, un système de micro-assurance doit minimiser ses frais de gestion. L’assureur a besoin d’un grand nombre d’assurés pour réaliser des économies d’échelle. Il peut impliquer des procédures coûteuses de traitement des demandes d’indemnisation, une lourdeur dans la gestion des données, et un grand volume de transactions lié au paiement des primes par prélèvements. Quand ce modèle s’applique à une petite échelle, il devient difficile de conserver un bon ratio entre les coûts opérationnels et le montant des primes.

Selon Richard Leftley, PDG de Microensure, «si la moitié de la prime d’un client pauvre est absorbée par les coûts administratifs, les remboursements sont maigres et la valeur de la clientèle chute. Si vous aviez un dollar à investir dans votre mécanisme de micro-assurance, je recommanderais fortement de le dépenser pour accroître l’efficience de la gestion administrative».

Selon Pranav Prashad, responsable des subventions au Fonds, «les acteurs du domaine de la micro-assurance doivent réduire les coûts et ils reconnaissent que la technologie offre une solution mais, étant donné l’échelle des opérations actuelle, ils ne savent pas combien il faut investir ni dans quelles technologies». Pour aider à évaluer les stratégies qui fonctionnent ou pas, le Fonds publie un dernier appel à propositions pour des subventions à l’innovation, financé par la Z Zurich Foundation, sous le thème «Echelle et efficience». Cette dernière série sera consacrée aux projets qui utilisent la technologie pour rendre la micro-assurance plus abordable et plus accessible aux clients à faible revenu.

Le Fonds pour l’innovation en micro-assurance de l’OIT a été fondé en 2008 afin d’étendre la couverture par une assurance de qualité à des millions de personnes démunies dans le monde en développement, avec l’objectif général de réduire leur vulnérabilité face aux risques. Avec le soutien de la Fondation Bill & Melissa Gates, le Fonds accorde des subventions à des projets qui, à travers le monde en développement, ont recours à la micro-assurance de façon innovante. www.ilo.org/microinsurance