Sécurité et santé au travail

Questions-réponses sur la sécurité et la santé au travail en temps de crise

Malgré un crédit qui circule difficilement et une demande mondiale qui dégringole, les entreprises du monde entier se battent pour faire face à la crise économique mondiale. Pendant ce temps, le nombre de chômeurs et de travailleurs pauvres s’accroît. Quels sont les effets de la crise sur les conditions de travail? Cette année, à l’occasion de la Journée mondiale pour la santé et la sécurité au travail (28 avril), BIT en ligne a demandé au Dr Sameera Al-Tuwaijri, Directrice du Programme Safework du BIT quelles répercussions la crise pouvait avoir sur la santé et la sécurité des travailleurs.

Article | 27 avril 2009

Comment cette crise économique et financière affecte-t-elle les normes de la santé et de la sécurité au travail?

Tout d’abord, nous devons nous rappeler qu’avant même la crise actuelle la mondialisation avait déjà provoqué de grands changements sur les lieux de travail du monde entier. Privatisations, restructurations industrielles, nouvelles formes d’organisation du travail, démantèlement des grandes entreprises publiques, et prolifération des petites entreprises –pour ne citer que quelques-uns de ces changements – ont directement affecté l’emploi, les relations professionnelles et, par conséquent, les normes en matière de santé et de sécurité au travail (SST). Maintenant, la crise financière mondiale est devenue un facteur de préoccupation pour la santé et la sécurité des travailleurs à travers le monde. D’une part, les travailleurs doivent composer avec la crainte et le stress de perdre leur emploi. Dans le même temps, la réduction de la production, les changements d’horaires de travail et/ou les exigences croissantes d’un poste pour se maintenir dans l’entreprise peuvent avoir des conséquences négatives. Dans certains cas, nous pouvons nous attendre à une réduction des ressources dédiées à la santé et à la sécurité. Les agences de contrôle, les inspections du travail, et les services de santé et de sécurité au travail seront peut-être contraints d’agir avec des moyens limités. Il pourrait en résulter une hausse brutale des accidents du travail, des lésions, des blessures et du stress lié au travail.

Tous les travailleurs sont-ils confrontés aux mêmes risques sur tous les lieux de travail? Ou certains sont-ils plus en danger que d’autres?

Aucun lieu de travail n’est exempt ni immunisé contre les accidents du travail ou les maladies professionnelles. Mais certains sont plus menacés que d’autres. Les micro-entreprises du secteur informel – où la survie économique est la première priorité – ont tendance à manquer de ressources et de savoir-faire dans la gestion de la SST. Si elles ne pensaient pas aux questions de SST avant la crise, il est probable qu’elles ne vont pas commencer maintenant. Si davantage de travailleurs acceptent des travaux précaires et des emplois dans l’économie informelle, il va de soi qu’ils seront davantage exposés aux dangers et aux risques professionnels. Les migrants seront certainement plus affectés que les travailleurs locaux parce qu’ils sont souvent aux prises avec des situations précaires. Cela vaut la peine de mettre l’accent ici sur le fait que l’impact potentiel sur la santé des travailleurs va au-delà des victimes des réductions d’effectifs ou des travailleurs qui restent. Cela affecte aussi les familles des travailleurs et les communautés où se déroulent les restructurations.

Que répondez-vous à l’argument selon lequel une entreprise et ses travailleurs doivent se concentrer sur leur propre survie, même si cela passe par une réduction des dépenses de SST?

Nous voulons dire que ce type d’approche s’accompagnera certainement d’un effet boomerang à l’avenir. S’il est vrai que les pays doivent se concentrer actuellement sur la restauration d’une productivité durable et de l’équité, ils doivent le faire dans le total respect des normes du travail, y compris celles qui ont trait à la santé et à la sécurité au travail. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra garantir aux populations des vies socialement et économiquement productives. La viabilité à long terme des entreprises dépend de plus en plus non seulement de leur productivité, mais aussi de la satisfaction des obligations légales et des aspirations sociales qui vont de pair avec leur rôle d’entreprises citoyennes dans la communauté locale et internationale. Cela apparaît évident dans le contexte de la crise financière actuelle.

Quel est le message de l’OIT en ce qui concerne la SST en ces temps de difficultés économiques?

Notre message, c’est que tout le monde a le droit à un environnement de travail sûr et salubre. C’est ce que dit l’Agenda de l’OIT pour le travail décent et ce en quoi nous croyons profondément. C’est particulièrement vrai en période de crise. La protection sociale doit être préservée pour les millions de personnes qui ont perdu leur emploi, sont sur le point de le perdre ou le perdront à l’avenir. La protection sociale doit aussi être maintenue pour ceux qui travaillent en équipes temporaires ou font des heures supplémentaires pour compenser la réduction des effectifs ou la hausse de la charge de travail. Cette crise ne devrait pas être une excuse pour diminuer la qualité des conditions de travail, mais une chance de les promouvoir.