L’égalité hommes-femmes au cœur du travail décent, Campagne 2008-09

De la haute couture «à l’italienne» au stylisme ukrainien

Avec un taux de 16 pour cent, la région de Chernivtsi est la région d’Ukraine la plus fortement touchée par le chômage et celle qui compte le plus faible nombre de femmes employées. C’est pourquoi cette région a été choisie pour un projet de l’OIT, financé par la coopération irlandaise (Development Cooperation Ireland-DCI) qui traite des causes originelles des migrations de travail et des tentatives pour endiguer les migrations illégales et le trafic grâce à la formation, au service de l’emploi et aux activités entrepreneuriales. Reportage de BIT en ligne depuis Chernivtsi, en Ukraine.

Article | 17 décembre 2008

CHERNIVTSI, Ukraine (BIT en ligne) – Yulia, une jeune femme d’Ukraine, se souvient encore du temps où elle travaillait à Milan, la capitale incontestée de la haute couture italienne et des défilés de mode les plus tendance.

Elle se rappelle les explosions de couleur illuminant les trottoirs: les manteaux aux teintes brillantes, le cuir rouge luisant, les vestes de velours aux tons riches. Et les vêtements de sport stylés, coûteux…

En Italie, Yulia travaillait dans les coulisses de ce monde de la mode, convainquant les riches clientes venues du monde entier que les femmes de pouvoir élégantes souhaitent se vêtir de cette manière. Aujourd'hui, vêtue d’un simple chemisier noir et bleu ciel, elle explique comment elle est devenue styliste dans son propre pays.

«Ce fut une expérience forte pour une styliste de travailler dans un lieu comme Milan. Le problème, c’est que je travaillais là-bas sans visa ni contrat», ajoute-t-elle.

Le propriétaire de l’atelier lui a conseillé de rentrer en Ukraine afin d’obtenir tous les documents nécessaires. Elle est rentrée à la maison avec l’intention de retourner en Italie.

«Mais, un jour, j’ai entendu parler de la possibilité de bénéficier d'un crédit à taux préférentiel de l’OIT pour démarrer ma propre affaire. Et je n’ai pas voulu rater cette occasion de faire de mon métier – le stylisme – une affaire génératrice de revenus», explique Yulia.

Elle a réussi à louer à un prix raisonnable un local pour en faire son atelier – une salle de classe dans une ancienne école. Il y a beaucoup d’espace pour les machines à coudre, les mannequins et les cabines d’essayage. Un de ses amis a rénové la pièce, tandis qu’elle achetait l’équipement nécessaire.

Son conseil aux futures femmes d’affaires: «La chose la plus importante dans les affaires est d’avoir une bonne idée. La qualité du travail est aussi une des clés du succès. Un client satisfait va à coup sûr recommander vos services à ses amis. Et vous n’aurez aucun problème pour trouver de nouveaux clients».

Yulia a bénéficié d’un projet pilote de microcrédit lancé en 2006 et a suivi le Projet de l’OIT sur la prévention de la traite des femmes qui a cours dans la région de Chernivtsi depuis novembre 2003. Le projet pilote fournit une assistance à des personnes qui sont, ou risquent d’être, des migrants illégaux ou des victimes de la traite dans les domaines de la formation professionnelle, du placement professionnel et des activités entrepreneuriales.

La décision de choisir Chernivtsi Oblast était fondée sur le fait que la région détient, avec 16 pour cent, le plus haut taux de chômage et le plus faible taux d’emploi chez les femmes (43,2 pour cent) du pays. On estime qu’environ 20 pour cent de la totalité de la population d’Oblast – un tiers de la population en âge de travailler – sont partis à l’étranger au cours des dernières années.

En 2006-07, sur 669 femmes qui ont approché l’organisation «Suchasnyk», partenaire du projet de l’OIT, pour s’informer sur la recherche d’emploi à l’étranger, 508 ont décidé d’envisager des solutions alternatives de génération de revenus en Ukraine après avoir discuté des risques liés aux migrations illégales et à la traite des femmes. Parmi ces femmes, 161 ont confirmé leur intention de se rendre à l’étranger, mais elles avaient cependant été informées des pratiques sures de migration et des procédures de recherche d’emplois légaux à l’étranger.

Les prêts alloués aux femmes chefs d’entreprise varient de 500 et 2 500dollars américains. Ils sont accordés par une banque privée et sécurisés par un fond de garantie de 40 000 $. Sur les 25 femmes qui ont reçu des microcrédits depuis 2006, 23 ont monté avec succès leur entreprise. Les crédits et les taux d’intérêt ont été remboursés par ces femmes entrepreneurs qui n'ont pas failli à leurs obligations.

Leurs affaires ont prospéré, à l’instar de Yulia qui reçoit maintenant de nombreuses commandes de ses clients; elle a déjà embauché une assistante et pense recruter plusieurs autres femmes pour son atelier. Yulia doit se marier bientôt et va créer sa propre robe de mariée.

Le projet de l’OIT en Ukraine illustre également la relation complexe qui existe entre politique migratoire et politique d’emploi dans les pays d’origine.

«Le projet s’attaque aux racines des migrations de travail en renforçant les politiques relatives à l’emploi et au marché du travail pour créer du travail décent dans les pays d’origine. Nous devons nous assurer que les politiques en matière de migration, d’égalité des sexes et de développement se renforcent mutuellement. En bref, les politiques migratoires devraient aller de pair avec les politiques d’emploi et de travail décent dans les pays d’origine, ainsi que des politiques d'emplois décents pour les hommes et les femmes dans les pays d’accueil», conclut un expert des migrations au BIT, Gloria Moreno-Fontes.