La campagne pour l'extension de la sécurité sociale franchit un nouveau pas

Faire en sorte que la population du Kenya ait accès à la sécurité sociale marque une nouvelle étape de la campagne mondiale pour l'extension de la sécurité sociale et la couverture pour tous. Alors que la moitié de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté et que seulement 15 pour cent de la population active bénéficie d'une couverture sociale, le Kenya a choisi de lancer cette campagne pour étendre l'accès à la retraite et à l'assurance santé au maximum de citoyens. Décidée en 2003, lors de la Conférence internationale du Travail, cette campagne a déjà démarré au Mozambique, Sénégal, Kenya et Népal. Cette année, l'OIT mènera cette même campagne dans de nouveaux pays comme l'Inde et le Nigéria. Un récit de Guebray Berhane du bureau de l'OIT d'Addis-Abeba.

Article | 24 janvier 2005

NAIROBI – Dans ce grand pays d'Afrique de l'Est qu'est le Kenya, la pauvreté est une préoccupation quotidienne. Ce sont particulièrement les pauvres, les malades et les sans emplois qui font face à la misère. L'urgence d'assurer un revenu régulier et une protection sociale est devenue encore plus forte du fait de la croissance démographique et du fort taux de chômage. Pour y arriver, le Kenya a décidé de lancer une campagne pour l'assurance sociale à l'échelle du pays.

Les défis sont immenses. 80 pour cent des Kenyans vivent dans les zones rurales, cultivant les terres, principalement dans de petites fermes. Le concept de sécurité sociale n'a pas atteint les milieux ruraux ni le secteur informel. Donner accès à la protection sociale à tous ces secteurs est réellement un grand enjeu.

Dans le but d'harmoniser la législation en matière de droit du travail dans la sous-région, le gouvernement kenyan, soutenu par l'OIT, a lancé la Campagne mondiale pour la sécurité sociale et la protection pour tous, à Nairobi, en décembre dernier. Ce lancement n'était pas seulement important pour les 32 millions d'habitants mais pour le reste du monde qui, de plus en plus, se rend compte de la nécessité d'une protection sociale sur tous les continents.

Plusieurs pays d'Afrique – d'abord en Afrique de l'Ouest et Centrale et maintenant en Afrique de l'Est – ont entrepris, avec des résultats très positifs, de mettre en réseau les différentes organisations de mutuelles de santé. Cela démontre la volonté des gouvernements de vouloir étendre la sécurité sociale au maximum de personnes, en particulier celles qui travaillent dans le secteur informel, mais aussi de montrer le rôle essentiel qu'elle joue dans le développement social et économique.

La campagne est conçue pour s'adapter à chaque situation nationale. «Il n'y a pas un modèle qui s'applique à tous les pays», déclare Emmanuel Reynaud, directeur de la branche politique et développement de la sécurité sociale du BIT.

Mobiliser les acteurs clés

Les principaux acteurs – gouvernement, organisations d'employeurs et de travailleurs, le Fonds National pour la Sécurité Sociale (NSSF), la société civile – se sont mobilisés pour soutenir les différentes initiatives d'extension de la sécurité sociale.

M. Assane Diop, directeur exécutif pour la protection sociale, a déclaré que l'implication du Kenya est fondée sur «la conviction que chaque kenyan devrait bénéficier d'un niveau minimum de sécurité sociale. Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et pour un travail décent, la protection sociale est le meilleur moyen de contribuer à atteindre les Objectifs du Millénaire». Il a ajouté qu'il est crucial de consolider le partenariat entre tous les acteurs.

Pour M. Edgar Manasseh, directeur du Conseil d'administration du Fonds national de sécurité sociale du Kenya, «cela démontrera aux kenyans que leur bien-être social est pris à l'avenir en considération par les décideurs politiques du pays, et est regardé avec bienveillance par la communauté internationale».

Un nouvel agenda pour la protection sociale

Pendant de nombreuses années, la protection sociale n'a pas été une priorité pour le Kenya. Le pays n'avait pas de cadre d'ensemble pour accueillir durablement des programmes de protection sociale.

Dorénavant, des plans existent pour faire en sorte que tous les travailleurs, dans l'économie formelle ou non, puissent toucher un minimum de revenu garanti grâce au principe de solidarité.

Le gouvernement kenyan a transformé le fonds de prévoyance existant pour les travailleurs du secteur privé en une caisse nationale d'assurance sociale et de retraite pour tous répondant aux normes de l'OIT.

«Des discussions sont engagées pour que soit amendée la Loi sur l'assurance santé afin d'introduire la notion de Caisse d'assurance santé nationale. Dans le même temps, la Loi sur le fonds national pour la sécurité sociale a été finalisée. Quand le Parlement l'adoptera, le Fonds de prévoyance sera transformé en Caisse de sécurité sociale et de retraite», explique M. Moody Awori, Vice-président et ministre de l'Intérieur du Kenya.

Le Fonds national pour la sécurité sociale comprend 2,9 millions de membres mais seulement 1 million d'entre eux paient leurs contributions. La nouvelle Caisse pourra être étendue à toute personne ayant un revenu mensuel ou saisonnier. Ceux-ci pourront bénéficier de l'assurance vieillesse, de l'assurance invalidité, de la retraite versée au survivant et de la couverture des frais d'obsèques.

Le Fonds national d'assurance santé (NHIF) sera restructuré pour fournir une couverture d 'assurance santé à tous les citoyens, et les primes dépendront du niveau de revenu. La nouvelle législation s'appliquera dès 2005 et garantira l'autonomie et l'efficacité de la caisse. De plus, la réforme vise à aider les personnes souffrant du VIH/SIDA. L'OIT estime à 6,7 pour cent la proportion de la population active qui est séropositive.

Avec la mise en route du nouveau système, il est question progressivement d'étendre la couverture santé à ceux qui ont créé leur emploi, aux chômeurs et aux pauvres, ainsi qu'aux résidents permanents non kenyans.

L'OIT apportera son soutien à la mise en œuvre de la nouvelle Caisse de santé à travers des actions menées en partenariat avec l'OMS (Organisation mondiale de la santé) et l'Agence de développement allemande (GTZ). Ces activités porteront sur la qualité des services, la négociation de contrats avec les fournisseurs de soins, la communication et la formation ainsi que la gestion et le suivi.