Le congé de maternité est rémunéré dans plus de 120 pays. L'inégalité de traitement des hommes et des femmes dans l'emploi perdure

GENÈVE (Nouvelles du BIT) – Selon un récent rapport du Bureau international du Travail (BIT), la législation de plus de 120 pays – au nombre desquels figurent la plupart des pays industrialisés à l'exception de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et des Etats-Unis – prévoit des prestations médicales et des congés de maternité rémunérés.

Communiqué de presse | 16 février 1998

GENÈVE  – Selon un récent rapport du Bureau international du Travail (BIT), la législation de plus de 120 pays – au nombre desquels figurent la plupart des pays industrialisés à l'exception de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et des Etats-Unis – prévoit des prestations médicales et des congés de maternité rémunérés.

"Partout dans le monde, la travailleuse enceinte s'expose à plusieurs risques: perte de son emploi, suspension de ses gains, dégradation de sa santé du fait de l'insuffisance des garanties qui lui sont offertes en matière d'emploi", déclare cependant F.J. Dy-Hammar, Chef du Service des conditions de travail du BIT, qui a assuré la supervision du rapport intitulé La protection de la maternité au travail.

Dans beaucoup de pays, le revenu de la femme est indispensable à la survie de la famille. Les auteurs du rapport constatent que dans le monde entier, les femmes sont la principale source de revenu d'environ 30% des ménages. En Europe, 59% des femmes qui travaillent contribuent à concurrence d'au moins 50% au revenu de leur ménage. Aux Etats-Unis, ce pourcentage est de 55%. En Inde, on estime que 60 millions de personnes vivent dans des foyers dont l'entretien est assuré uniquement par des femmes.

Dans une dizaine d'années, 80% des femmes des pays industrialisés et 70% de celles du monde entier, travailleront en-dehors de leurs foyers pendant toutes leurs années de procréation.

Les pays qui garantissent les congés de maternité les plus généreux sont: la République tchèque – 28 semaines; la Hongrie – 24 semaines; l'Italie – 5 mois; le Canada – 17 semaines; l'Espagne et la Roumanie – 16 semaines. Le Danemark, la Norvège et la Suède accordent des congés rémunérés de longue durée dont une partie est réservée à la mère, l'autre partie pouvant être prise par l'un ou l'autre parent.

Aux Etats-Unis, la loi de 1993 sur le congé familial et médical accorde un congé non rémunéré de 12 semaines, qui peut être étalé sur une période de 12 mois. Cette loi ne s'applique qu'aux salariés des entreprises qui comptent au moins 50 travailleurs.

Néanmoins, certains Etats et Etats associés des Etats-Unis tels que Rhode Island, Hawaï, le New Jersey, la Californie, New York et Porto Rico accordent des prestations de maternité rémunérées.

Le rapport du BIT analyse la manière dont sont traitées les femmes qui sont en âge de procréer dans 152 pays tant du point de vue juridique que dans la pratique, et compare la législation de ces pays aux normes internationales de l'OIT. Les auteurs étudient la protection de la maternité au travail et notamment le congé de maternité, la protection de l'emploi, les prestations en espèces et les prestations médicales ainsi que la protection de la santé maternelle et infantile.

Le congé de maternité: L'OIT a adopté en 1919 le premier instrument mondial destiné à protéger les travailleuses avant et après la naissance d'un enfant, à savoir la convention sur la protection de la maternité. Cette norme, qui a été révisée en 1952, prévoit un congé d'une durée minimum de 12 semaines, mais recommande que cette durée soit portée à 14 semaines. Pour les pays qui accordent des prestations en espèces dans le cadre de la sécurité sociale, la convention dispose que la rémunération ne doit pas être inférieure à deux tiers du revenu antérieur et que les prestations médicales doivent être intégralement servies.

A l'heure actuelle, 119 pays accordent les 12 semaines de congés de maternité prévues dans la convention et parmi eux 62 accordent 14 semaines ou davantage. Le congé obligatoire est inférieur à 12 semaines dans 31 pays.

Le préavis à donner avant de prendre un congé de maternité varie d'un pays à l'autre. En Australie, la législation fédérale stipule que la femme doit faire part à son employeur de sa grossesse et de son intention de prendre congé 10 semaines au moins avant son départ. En Autriche, la femme enceinte doit informer son employeur de sa grossesse et de la date prévue pour la naissance dès qu'elle a connaissance de son état; elle doit aussi lui signaler quatre semaines à l'avance la date à laquelle le congé prénatal doit commencer.

En Irlande et au Royaume-Uni, la notification fait l'objet d'une procédure stricte, dont l'inobservation risque de priver la femme de la protection des tribunaux en cas de conflit. Dans d'autres pays, les femmes enceintes ont davantage de droits; ainsi, au Danemark, en France, en Grèce et en Italie, elles sont protégées du fait même de leur grossesse et de la connaissance de celle-ci par l'employeur, quel que soit le moyen par lequel il en est informé. En Finlande, la travailleuse n'est tenue d'informer son employeur que si elle souhaite prendre son congé plus de 30 jours avant la date présumée de l'accouchement.

Dans quelques pays, le bénéfice du congé est parfois fonction du nombre d'enfants ou de la fréquence des naissances, voire des deux, de la durée de service ou encore des heures de travail. Au Népal, les travailleuses n'ont droit au congé de maternité que pour deux accouchements. Elles y ont droit trois fois à la Barbade, à Grenade, en Egypte, à la Jamaïque et au Zimbabwe. Aux Bahamas et en Tanzanie, elles n'y ont droit qu'une fois tous les trois ans.

Plus fréquente est l'exigence d'une période minimale de service chez le même employeur pour bénéficier du congé de maternité. Cette période est, par exemple, de trois mois en Suisse, de six mois en Libye, en Syrie (dans l'agriculture) et en Somalie; de six mois au cours de l'année précédant l'accouchement en Egypte et aux Philippines. Elle est d'un an en Australie, aux Bahamas, aux Emirats arabes unis, à la Jamaïque, à Maurice, en Namibie et en Nouvelle-Zélande et de deux ans en Gambie et en Zambie.

Les conventions collectives adoptées par les employeurs et les syndicats augmentent souvent la durée du congé. En Espagne, par exemple, 18 000 enseignantes d'écoles publiques du Pays basque ont droit à 18 semaines de congé de maternité, soit deux semaines de plus que ne l'impose la loi, et 12 000 enseignantes d'écoles privées ont droit à 17 semaines. Au Mexique, où la durée légale du congé est de 12 semaines, deux établissements bancaires et une compagnie d'électricité accordent une à quatre semaines de plus. Au Royaume-Uni, 85% des 240 entreprises ayant fait l'objet d'une enquête en 1995 offrent des congés de maternité d'une durée supérieure à celle qui est prescrite par la loi.

Protection de l'emploi: Selon le BIT, la garantie pour les femmes enceintes et les jeunes mères de ne pas perdre leur emploi du fait de leur grossesse, de leur congé de maternité ou du fait qu'elles viennent d'avoir un enfant est un aspect essentiel de la protection de la maternité.

Cette garantie permet dans une très large mesure d'éviter que la maternité ne soit une source de discrimination à l'encontre des femmes dans l'emploi. Mme Dy-Hammar fait observer à ce sujet que "l'interruption de l'emploi constitue un handicap majeur pour la promotion professionnelle des femmes et coûte cher: perte d'ancienneté et réduction de la pension de retraite, des congés payés et d'autres avantages liés à l'emploi".

Les Etats-Unis interdisent la discrimination à l'égard des femmes enceintes ou en couches et de celles qui souffrent de complications médicales, mais seulement dans les entreprises comptant plus de 15 travailleurs. En outre, les dispositions relatives à la grossesse et à la naissance doivent être appliquées dans les mêmes conditions que celles relatives à d'autres incapacités temporaires.

Le BIT a recensé au moins 29 pays, situés pour la plupart en Afrique et en Asie, qui ont adopté des lois prévoyant l'interdiction absolue de licenciement pour toute travailleuse en congé de maternité. Ce sont les pays suivants: Bahreïn, Belize, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Fidji, Gabon, Ghana, Iles Salomon, Inde, Israël, Lesotho, Libye, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Nigéria, Ouganda, Sénégal, Sri Lanka, Tchad et Uruguay.

Les auteurs du rapport précisent que pour être efficace, la protection contre le licenciement doit également couvrir la période qui suit le retour au travail. La période durant laquelle une telle protection est accordée varie beaucoup d'un pays à l'autre. En Chine, en Haïti et en Roumanie, elle correspond à la période d'allaitement sans que la durée n'en soit précisée. Elle est de 30 jours après le congé de maternité en Belgique et en République de Corée, de 12 semaines après la naissance en Côte d'Ivoire et au Luxembourg, de trois mois après la fin du congé de maternité à Chypre, de 16 semaines après la naissance en Suisse, de quatre mois après la naissance en Allemagne, en Autriche et en Ethiopie, de cinq mois au Brésil, de six mois en Hongrie, de neuf mois au Laos, d'un an après la naissance en Afghanistan, en Angola, en Bolivie, en Grèce, au Mozambique, en Somalie, au Venezuela et au Viet Nam, de quinze mois au Mali et au Sénégal.

Prestations en espèces et prestations médicales: La situation des travailleuses qui sont enceintes peu de temps après avoir été engagées dans un nouvel emploi, est souvent précaire. En effet, les législations nationales et les conventions collectives assujettissent souvent le droit aux prestations à une période d'emploi de 3 à 12 mois. Une durée minimum de cotisation est parfois requise pour l'attribution des prestations de sécurité sociale en espèces. Ainsi, les travailleuses temporaires ou à temps partiel ne parviennent pas toujours à remplir les conditions requises pour avoir droit aux prestations de maternité.

"Sans prestations en espèces et sans soins médicaux, beaucoup de femmes ne pourraient prendre des congés de maternité ou devraient retourner à leur travail alors que leur état de santé ne le leur permet pas encore", affirme Mme Dy-Hammar. De fait, un rapport préparé en 1996 à l'intention du Congrès des Etats-Unis sur les congés pour raisons familiales ou médicales a révélé que la totalité des femmes qui ne prennent pas les congés auxquels elles ont droit déclarent ne pas en avoir les moyens.

En 1919, lorsque la première convention de l'OIT sur la maternité a été adoptée, neuf pays seulement accordaient des prestations dans le cadre d'un régime d'assurance. Des progrès remarquables ont été accomplis depuis, le nombre de ces pays étant passé à 40 en 1952 et dépassant la centaine aujourd'hui. Ailleurs, les prestations sont totalement ou en partie acquittées par les employeurs.

Dans beaucoup de pays, le nombre des femmes bénéficiant de la protection de la maternité a augmenté essentiellement parce que les régimes de sécurité sociale ont été étendus à des secteurs qui jusque-là en étaient exclus, comme l'agriculture, les services domestiques et l'emploi indépendant. Aux Bahamas, au Costa Rica, en Finlande, aux Philippines, au Portugal, en Slovaquie et en Tunisie, par exemple, les travailleuses indépendantes sont protégées selon les mêmes critères que les salariées, au même taux de prestation et pendant la même période. En Belgique, en Espagne, en France, au Gabon et au Luxembourg, des systèmes spéciaux de protection de la maternité ont été mis sur pied à leur intention.

Cependant, bien que la rémunération des congés de maternité soit désormais la norme dans la plupart des pays industrialisés, les progrès ne sont pas uniformes. Dans les pays d'Europe orientale, les prestations de maternité et plus particulièrement les prestations en espèces, autrefois généreuses, ont été réduites du fait de la restructuration de l'économie.

Dans les pays où beaucoup de femmes travaillent dans le secteur non structuré, la législation ne prévoit guère de protection. Le pourcentage des femmes actives qui sont employées dans le secteur non structuré est de 52% en Colombie, de 48% au Pérou et de 10% en Pologne.

Là où les systèmes de sécurité sociale sont peu développés, la couverture est très faible. On estime par exemple que le pourcentage de la population active qui est couverte par la sécurité sociale est de seulement 5% au Bénin, 7% en Côte d'Ivoire et 10% au Cameroun.

Protection de la santé maternelle et infantile: Le BIT estime que la grossesse, l'accouchement et la période postnatale étant trois phases du cycle de procréation qui présentent des risques particuliers pour la santé des femmes, elles exigent une protection particulière au travail. La recommandation no95 de l'OIT sur la protection de la maternité, qui a été adoptée en 1952, interdit le travail de nuit, les heures supplémentaires et les tâches préjudiciables à la santé de la mère et de l'enfant. Ces mesures visent à limiter la fatigue, à réduire la tension physique et le stress ainsi qu'à épargner aux femmes les tâches dangereuses et insalubres.

Depuis 1952, trois grandes phases ont marqué l'évolution de la législation et de la pratique relatives à la sécurité et à la santé des femmes pendant la grossesse et la période d'allaitement.

Premièrement, l'interdiction de certains emplois à toutes les femmes a été abandonnée au profit de mesures de protection visant les groupes à risques tels que les femmes avant et après l'accouchement.

Parallèlement à cette tendance et en étroit rapport avec elle, plutôt que d'imposer des restrictions à des catégories entières de travailleurs telles que les femmes en âge de procréer, on a davantage cherché à adapter les mesures de protection aux besoins et aux préférences personnelles des travailleurs, à chaque stade de leur vie professionnelle.

Enfin, on assiste à une prise de conscience de l'influence du milieu de travail sur la santé génésique et des risques que présente pour la grossesse l'exposition de la mère ou du père à des substances ou à des procédés dangereux

Mesures complémentaires: Les auteurs du rapport se penchent également sur la manière dont les pays tentent de répondre aux besoins des parents qui travaillent, et notamment sur la législation relative au congé parental, au congé de paternité et au congé d'adoption. A ce jour, à peine 36 pays – industrialisés pour la plupart – disposent d'une législation régissant le congé parental. Ce sont les pays nordiques qui ont adopté à cet égard les dispositions les plus attrayantes, en prévoyant notamment la compensation de la perte de revenu et le versement d'allocations familiales. La législation relative au congé familial, récemment adoptée aux Etats-Unis, mérite d'être mentionnée parce que, même si ce congé n'est pas rémunéré, elle n'établit aucune distinction entre les sexes.

Le rapport démontre qu'il y a encore beaucoup à faire: ces cinquante dernières années, la protection de la maternité au travail a progressé tant sur le plan de la législation que dans la pratique. Les esprits aussi ont évolué en faveur des droits des travailleuses en âge de procréer. Cependant, la plupart des femmes – sinon toutes – se heurtent encore à un moment ou à un autre de leur vie professionnelle au problème fondamental de l'inégalité de traitement dans l'emploi, due à leur rôle de procréatrices.