Déclaration en hommage à Marc Blondel

Discours prononcé aux obsèques de Marc Blondel.

Déclaration | Paris | 22 mars 2014
Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs,

Depuis l’annonce de la mort de Marc Blondel en début de semaine, les hommages sont arrivés des quatre coins de France. Ces nombreux messages démontrent - s’il le fallait - l’attachement que de nombreux Français avaient pour Marc, qu’ils soient militants syndicaux ou simples citoyens.

En tant que Directeur général de l’Organisation internationale du Travail, je voudrais – pour ma part - participer à l’hommage international, en apportant celui des représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs du monde entier qui siègent au sein de notre organisation.

L’annonce du décès de Marc Blondel est arrivée pendant la réunion à Genève du Conseil d’administration de l’OIT. Ce Conseil, Marc le connaissait bien puisqu’il en fut membre pendant 24 ans au sein du Groupe Travailleur.

Pendant 24 ans, Marc Blondel a joué – inlassablement - un rôle déterminant dans de nombreux dossiers traités par l’OIT.

A Genève également, on connaissait sa personnalité, son célèbre « franc parler », ses opinions bien tranchées, ses colères parfois, sa voix qui tonnait dans les salles de réunion où l’on tient plutôt d’habitude des propos feutrés.

Mais on reconnaissait aussi son professionnalisme, son sens de la négociation, sa fiabilité et aussi sa jovialité, son sens de l’humour et son amitié.

Il est vrai qu’à première vue, cette personnalité exubérante pouvait sembler ne pas aller de pair avec les procédures diplomatiques parfois lentes de notre organisation.

Et pourtant, c’était tout le contraire. Marc s’est investi à l’OIT, participant à des centaines de réunions. Et malgré la lourde charge qu’il avait à Paris à la tête de la CGT Force Ouvrière, il était présent dès que possible, en apportant son énergie habituelle et toute sa détermination à faire avancer les dossiers.

Beaucoup, à l’OIT, s’étonnaient de voir ce dirigeant syndical connu de tous en France prendre part à des réunions, parfois fastidieuses, de procédure à Genève. Et pourtant, il était là, toujours présent. Il n’y avait pas pour lui de » petits » dossiers. Et il avait compris que ces réunions de procédure étaient des étapes indispensables pour aboutir à de grandes avancées.

C’est ainsi que Marc attachait une importance toute particulière au respect des Conventions 87 et 98 de l’OIT sur la liberté syndicale et la négociation collective.

Marc fut longtemps un membre assidu de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du travail. Là aussi, il intervenait souvent, non seulement sur les problèmes de libertés syndicales mais aussi sur des sujets qui lui tenaient à cœur comme le travail forcé ou les discriminations.

Marc ne manquait jamais non plus de souligner l’importance du tripartisme. Il rappelait que c’était un honneur pour les syndicats de représenter les travailleurs à l’OIT et de défendre leurs droits dans le cadre du respect de ce tripartisme incarné par notre organisation.

Son rôle international s’exerçait également au sein de la CGT Force Ouvrière où il accueillait de nombreux syndicalistes exilés. Chaque année, FO organisait d’ailleurs un séminaire auquel participaient notamment des syndicalistes africains, séminaire au cours duquel la liberté syndicale tenait une place centrale.

Je pourrais dresser une longue liste d’actions menées par Marc au sein de l’OIT mais je me contenterai de rappeler son engagement déterminant en 1982 lors de la crise en Pologne.

Marc Blondel fut l’un des cosignataires de la plainte déposée à l’OIT contre le gouvernement polonais de l’époque pour violation de la liberté syndicale après la déclaration de la loi martiale.

C’est cette plainte qui fut à l’origine de la création d’une commission d’enquête qui jouera un rôle clé dans l’évolution de la Pologne et de l’Europe, ce que Lech Walesa a reconnu lui-même comme étant, je cite « une contribution significative aux changements qui ont conduit à la démocratie », fin de citation.

Cette implication sur les dossiers internationaux s’explique aussi compte tenu du parcours de Marc, internationaliste convaincu, militant de toutes les causes syndicales.

Il tirera en partie son inspiration de ses origines - le Nord de la France, terre ouvrière par excellence dont il parlait souvent. Il y puisera ses racines, par exemple dans l’histoire des luttes ouvrières des mineurs du Nord Pas-de-Calais.

Marc était passionné par le combat qu’il menait sans relâche, le combat pour la justice sociale. Et il avait compris que les normes internationales du travail étaient une composante essentielle de la défense des droits des travailleurs.

Son attachement à l’OIT, Marc l’a d’ailleurs maintenu jusqu’à la fin de sa vie. En effet, même après s’être retiré en 2008, il était resté membre de la commission des retraites en tant que représentant du syndicat du personnel de l’OIT.

Marc Blondel a suivi également la lignée d’autres militants syndicaux français qui ont marqué l’histoire du développement de l’OIT. On pense tout naturellement à Léon Jouhaux qui, dès 1916, lança l’idée d’un organisme international pour élaborer les instruments d’amélioration de la condition ouvrière et qui participa en 1919 à la création de l’OIT.

Marc ne manquait jamais d’évoquer la mémoire de Léon Jouhaux qui était pour lui une source d’inspiration.

Désormais, aux côtés de Léon Jouhaux, Marc Blondel rejoint- en bonne place - ces Françaises et ces Français disparus qui ont contribué au rayonnement et à l’action de l’OIT.

A la famille de Marc, à ses amis, au Secrétaire général et aux camarades de la CGT Force ouvrière, au mouvement syndical français, je présente - au nom de l’OIT - mes plus sincères condoléances.