Bangladesh

Le point 100 jours après l’effondrement de l’immeuble du Rana Plaza

Un certain nombre d’initiatives ont été lancées à la suite de l’effondrement de l’immeuble du Rana Plaza à Dacca, Bangladesh, qui viennent compléter les mesures prises par l’OIT pour faire face à de précédents accidents survenus dans le pays. Le directeur du bureau de l'OIT à Dacca, Srinivas B. Reddy, explique en quoi consistent ces initiatives et quelles sont les mesures qui ont été prises sur le terrain.

Article | 5 août 2013
© Munir Uz Zaman / AFP

Quelles sont les mesures qui ont été prises au cours des trois derniers mois?


Depuis le 24 avril, date à laquelle le Rana Plaza s'est effondré, entraînant la mort de 1127 personnes et provoquant encore davantage de blessés, l’OIT a joué un rôle prépondérant en s’efforçant d’examiner les causes profondes du désastre et d’aider à la réadaptation des victimes blessées. Nous collaborons étroitement avec le gouvernement et les organisations d'employeurs et de travailleurs (les mandants tripartites de l’OIT) pour permettre d’améliorer les droits et la sécurité des travailleurs dans l’industrie du prêt-à-porter.

Au lendemain de la catastrophe, l'OIT a envoyé une délégation de haut niveau à Dacca, conduite par le directeur général adjoint chargé des opérations de terrain. Cette mission a abouti à une déclaration commune signée le 4 mai par le gouvernement et les organisations d'employeurs et travailleurs, qui énonce un programme d’actions à mener en six points.

En quoi consiste ce programme d’action?


Par cette déclaration commune, le gouvernement du Bangladesh s’est engagé à soumettre un projet de réforme de sa législation du travail, ce qu’il a fait le 15 juillet. L’OIT y a apporté des commentaires. La déclaration commune exige que toutes les usines de prêt-à-porter en activité soient inspectées au regard de la sécurité incendie et de l'intégrité structurelle, et que des mesures soient prises pour remédier aux problèmes recensés. Elle stipule également que le gouvernement doit recruter 200 inspecteurs supplémentaires dans les six mois et devra veiller à ce que le département de l'inspecteur des usines et des établissements devienne une direction dotée d'un budget régulier annuel suffisant pour permettre le recrutement d'au moins 800 inspecteurs et le développement de l'infrastructure nécessaire à leur travail.

Elle recommande d’étendre la portée de l'actuel Plan d'action tripartite national sur la sécurité incendie, signé après l'incendie de l'usine Tazreen Fashions en novembre 2012. Des progrès ont déjà été accomplis grâce à un accord conclu le 25 juillet entre le gouvernement, les employeurs et les travailleurs, en vue d’associer le plan d’action et la déclaration commune pour former un vaste Plan tripartite national sur la sécurité incendie et l'intégrité structurelle dans l’industrie du prêt-à-porter.

Pour les travailleurs ayant été blessés lors de l'effondrement du Rana Plaza et qui se sont retrouvés handicapés ainsi que pour les personnes qui ont perdu leur emploi dans la tragédie, un programme de qualification et de réadaptation sera mis en œuvre.

La déclaration commune appelle aussi l'OIT et la Société financière internationale (SFI) à envisager le lancement d’un programme Better Work pour le Bangladesh. Better Work est un programme de partenariat établi entre l’OIT et la SFI, qui vise à renforcer à la fois le respect des normes internationales du travail et la compétitivité dans les chaînes d'approvisionnement mondiales.


Comment ce plan cadre-t-il avec les autres initiatives d’action lancées par les marques, les détaillants, les fédérations syndicales internationales et d’autres institutions depuis avril dernier?


Ces initiatives d’action nouvellement lancées approuvent et confirment immanquablement le Plan d'action tripartite national sur la sécurité incendie et l'intégrité structurelle, désormais unifié, et dans certains cas, il a été demandé à l'OIT d'apporter son soutien technique pour veiller à leur mise en œuvre et leur coordination.

Ainsi, l’OIT assure la présidence en tout impartialité de l'Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments, signé par les fédérations syndicales internationales et plus de 80 marques et détaillants. Cet accord consiste en un programme quinquennal visant à garantir les mesures de sécurité et de santé, et notamment à évaluer l'intégrité structurelle et la sécurité incendie dans les usines où les signataires font fabriquer leurs produits, et à prendre des mesures correctives le cas échéant.

Une autre initiative, intitulée l'Alliance pour la sécurité des travailleurs au Bangladesh, regroupe 17 marques et détaillants américains et vise, au cours des cinq prochaines années, à mener des inspections et à établir des normes de sécurité dans 100 pour cent des usines où les signataires font fabriquer leurs produits.

Le pacte de viabilité conclu en juillet entre les Etats-Unis, le gouvernement du Bangladesh et l'OIT s'inspire du Plan d'action tripartite national sur la sécurité incendie et l'intégrité structurelle, et vise à prendre des mesures relatives aux droits des travailleurs – en particulier la liberté syndicale et le droit de négociation collective –, à renforcer l'intégrité structurelle et la sécurité et la santé au travail, et à encourager toutes les parties prenantes engagées dans l'industrie du prêt-à-porter et du textile au Bangladesh à adopter une conduite responsable des affaires.

Ce pacte confère à l’OIT un rôle de coordination et de suivi. La coordination entre ces diverses initiatives sera déterminante pour garantir qu'elles auront l'impact souhaité.

Ces plans semblent satisfaisants en théorie, mais quelles sont les mesures concrètes qui ont été prises jusqu'ici?


Pour sa part, le bureau de l’OIT à Dacca vient de lancer un programme sur six mois d’un budget de 2 millions de dollars des Etats-Unis, pour la période de juillet à décembre de cette année.

Le premier élément consiste à aider les partenaires mandants à mettre en place un système pour mener une évaluation préliminaire de la sécurité des bâtiments d'usine. L'OIT collaborera avec l'Université d'ingénierie et de technologie du Bangladesh (BUET en anglais) pour former 30 équipes d'ingénieurs des techniques de la construction spécialisés dans ce genre d'évaluations.

Parallèlement, les travailleurs des usines de prêt-à-porter recevront une formation sur la sécurité, et les personnes blessées au cours de la catastrophe et lors d'accidents antérieurs recevront prochainement une formation à la réhabilitation et une formation qualifiante.

Au cours des trois derniers mois, l'OIT a également mis en place un vaste programme sur trois ans pour promouvoir ces actions et apporter un soutien à plusieurs éléments clés du Plan d'action tripartite national sur la sécurité incendie et l'intégrité structurelle.

Il s’agit, entre autres, de garantir la réalisation, par des ingénieurs formés, d’évaluations de l'intégrité structurelle des quelque 2000 usines qui ne sont pas couvertes par l'Accord et l'Alliance, ainsi que l’achat de l'équipement nécessaire. Il s’agira également de former 800 inspecteurs du travail, comme mentionné ci-dessus, et de former les travailleurs et le personnel de direction aux questions de sécurité et de santé au travail et de droits des travailleurs.

Est-ce la première fois que l'OIT œuvre dans ce domaine au Bangladesh?


En fait, nous travaillons depuis quelque temps déjà en étroite collaboration avec le gouvernement et les organisations d'employeurs et de travailleurs pour examiner les conditions de travail dans l'industrie du vêtement.

Ainsi, depuis janvier 2012, un projet spécifique axé sur les principes et droits fondamentaux au travail s’intéresse principalement au renforcement des droits des travailleurs au Bangladesh, en particulier dans le secteur du prêt-à-porter. Il a bénéficié de l’aide des mandants de l'OIT pour améliorer la législation et les pratiques de travail au Bangladesh et pour développer des relations professionnelles fondées sur les droits et responsabilités.

L’année dernière, des experts techniques du bureau de l’OIT à Dacca ont travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement sur la réforme de la législation du travail du Bangladesh, en vue de l'harmoniser avec les normes internationales du travail.

Comme indiqué précédemment, nous contribuons également à promouvoir des lieux de travail plus sûrs et à aider le gouvernement et les partenaires sociaux à prendre des dispositions au niveau national à la suite de l'incendie de l'usine Tazreen en novembre 2012. L’un des projets de l'OIT a aussi consisté à produire une vidéo sur la sécurité incendie destinée à être vue – et comprise – par tous les ouvriers d'usine du pays, et l’Organisation s’efforce actuellement de mener des actions de sensibilisation pour améliorer la connaissance des meilleures pratiques de sécurité et de santé au travail.

Quelles sont les prochaines étapes des actions à mener?


Au cours des semaines et des mois à venir, nous travaillerons en consultation étroite avec le gouvernement et les organisations d'employeurs et de travailleurs à la mise en œuvre du Plan d'action tripartite national sur la sécurité incendie et l'intégrité structurelle dans l'industrie du prêt-à-porter.

L’une des priorités sera d’aider à garantir que des ingénieurs qualifiés effectuent des évaluations initiales de l'intégrité structurelle et de la sécurité incendie dans les ateliers d'usine de prêt-à-porter. Ces évaluations seront en cours dès septembre, menées par des équipes de techniciens conduites par l'Université d'ingénierie et de technologie du Bangladesh.

Le développement des compétences des travailleurs handicapés sera également mis en place en partenariat avec le Comité pour le progrès rural au Bangladesh (BRAC en anglais), et nous aiderons à coordonner les services aux victimes blessées ou qui se sont retrouvées sans emploi suite à l'effondrement du Rana Plaza, dans le cadre du secrétariat du Conseil national du développement des compétences.

Des programmes de formation en matière de sécurité et de santé au travail et de droits des travailleurs destinés aux dirigeants syndicaux, aux cadres intermédiaires et aux superviseurs devraient aussi démarrer prochainement, de même qu’une formation visant à renforcer le système d'inspection du travail.

Par ailleurs, l'OIT continuera le dialogue avec le gouvernement et les partenaires sociaux à propos de la législation du travail.