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Jugement n° 2706

Décision

1. La décision du Directeur général de l'OMPI du 11 août 2006, telle que précisée le 12 octobre 2006, est annulée.
2. L'Organisation procédera, dans un délai de six mois à compter de la date du prononcé du présent jugement, à l'examen du classement du poste et de la demande de promotion de la requérante, selon les modalités précisées au considérant 15.
3. L'OMPI procédera, le cas échéant, à la promotion de l'intéressée, en lui conférant s'il y a lieu un effet rétroactif, dans les conditions définies au même considérant.
4. Elle versera à la requérante la somme de 40000 francs suisses en réparation de l'ensemble des préjudices subis.
5. Elle lui versera également la somme de 7000 francs à titre de dépens.
6. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Considérant 3

Extrait:

La requérante ayant dénoncé le harcèlement sexuel que lui faisait subir son supérieur hiérarchique, ce dernier se vit infliger une réprimande verbale. Devant le Tribunal, l'Organisation soutient que la requérante ne s'est pas acquittée de la charge de la preuve en ce qui concerne ses allégations de harcèlement. "[L]'Organisation, qui a [...] sanctionné, à raison [desdits] faits de harcèlement sexuel, le supérieur hiérarchique de l'intéressée mis en cause, en a, par là même, nécessairement reconnu la matérialité. Elle ne saurait dès lors utilement contester aujourd'hui le bien-fondé des accusations de la requérante à cet égard, sauf à se mettre en complète contradiction avec elle-même et à jeter d'ailleurs de grands doutes sur le sérieux avec lequel seraient prises ses propres décisions à l'égard de son personnel dans un domaine aussi sensible que celui de la discipline."

Mots-clés

Décision; Charge de la preuve; Absence de preuve; Discrimination sexuelle; Obligations de l'organisation; Respect de la dignité; Supérieur hiérarchique; Sanction disciplinaire; Réprimande; Harcèlement

Considérant 5

Extrait:

"[C]omme le Tribunal a notamment eu l'occasion de l'affirmer dans le jugement 2524, une organisation internationale a le devoir d'assurer aux membres de son personnel un environnement sûr et adéquat."

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 2524

Mots-clés

Obligations de l'organisation; Conditions de travail; Fonctionnaire

Considérant 8

Extrait:

La requérante, qui a été victime de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, demande à bénéficier d'une promotion. "[L]'Organisation est bien entendu fondée à soutenir que l'indemnisation pour les préjudices ainsi subis par l'intéressée ne saurait, en elle-même, prendre la forme d'un avancement de grade. L'avancement d'un fonctionnaire répond en effet, par nature, à une logique propre, liée à la classification de l'emploi exercé et aux mérites professionnels de l'intéressé, qui est étrangère à celle de la réparation de dommages ayant pu être causés à celui-ci par l'organisation internationale qui l'emploie."

Mots-clés

Préjudice; Organisation; Discrimination sexuelle; Obligations de l'organisation; Respect de la dignité; Classement de poste; Promotion; Aptitude professionnelle; Indemnité; Supérieur hiérarchique; Réparation; Définition; Différence; Demande d'une partie; Harcèlement

Mots-clés du jugement

Mots-clés

Requête admise; Annulation de la décision; Harcèlement sexuel

Considérants 3-7

Extrait:

Contrairement à ce que soutient la défenderesse, l’examen du dossier permet de tenir pour établie la matérialité des faits de harcèlement sexuel dont la requérante s’était plainte lors de son affectation à la Division des finances de septembre 2001 à mars 2003. D’une part, il résulte de l’avis du Comité d’appel, en son paragraphe 25, que la réalité de ces faits a été corroborée
par les témoignages de quatre autres personnes interrogées à l’initiative de ce comité et ressort en outre clairement des pièces versées par le Département de la gestion des ressources humaines aux dossiers personnels de la requérante et de son ancien supérieur hiérarchique. D’autre part, l’Organisation, qui a notamment sanctionné, à raison de ces faits de harcèlement sexuel, le supérieur hiérarchique de l’intéressée mis en cause, en a, par là même, nécessairement reconnu la matérialité. Elle ne saurait
dès lors utilement contester aujourd’hui le bien fondé des accusations de la requérante à cet égard, sauf à se mettre en complète contradiction avec elle même et à jeter d’ailleurs de grands doutes sur le sérieux avec lequel seraient
prises ses propres décisions à l’égard de son personnel dans un domaine aussi sensible que celui de la discipline. La réaction de la défenderesse vis à vis de la requérante, suite à la dénonciation de ce harcèlement sexuel, n’a nullement été, eu égard à la nature et à la gravité des faits allégués, conforme aux devoirs qui sont ceux de toute organisation internationale envers ses fonctionnaires. En premier lieu, il convient de souligner que, comme le Tribunal a notamment eu l’occasion de l’affirmer dans le jugement 2524, une organisation internationale a le devoir d’assurer aux membres de son personnel un environnement sûr et adéquat. Un tel environnement n’avait, en l’espèce, manifestement pas été assuré à la requérante pendant la période où celle ci était victime des agissements de son supérieur hiérarchique. En outre, ainsi que le Tribunal l’a par ailleurs rappelé dans les jugements 1609 et 1875, une organisation internationale est responsable de l’ensemble des torts causés à un membre de son personnel par un supérieur hiérarchique de l’intéressé, agissant dans le cadre de ses fonctions, lorsque la victime subit un traitement portant atteinte à sa dignité personnelle et professionnelle. Or force est de constater que la requérante n’a, en l’espèce, bénéficié d’aucune forme d’indemnisation par l’Organisation pour les préjudices que lui ont occasionnés les faits de harcèlement sexuel en cause. En second lieu, le Tribunal ne peut que marquer son étonnement face aux suites qui ont été données par la défenderesse, sur le plan administratif, à la dénonciation de ces faits. D’une part, la sanction prononcée à l’encontre du supérieur hiérarchique principalement mis en cause — qui, ainsi qu’il a été dit plus haut, s’est limitée à une réprimande verbale avec versement d’une note à son dossier — n’était manifestement pas adaptée à la gravité de la faute commise. Ce constat s’ajoute d’ailleurs au fait que l’intéressé a conservé, à la suite de cette sanction, les attributions qui lui étaient confiées sans que celles ci soient aucunement remises en cause. D’autre part, il n’est pas contesté par l’Organisation que ce supérieur hiérarchique a fait l’objet, pour la période au cours de laquelle il avait été sanctionné, d’un rapport d’évaluation en tous points favorable, y compris en ce qui concerne sa conduite. Le comportement ainsi adopté par l’Organisation à l’égard de ce fonctionnaire ne tient guère compte de la sollicitude due à l’agent victime des faits qui lui étaient reprochés et l’argument invoqué par la défenderesse, selon lequel elle n’aurait pu établir un rapport d’évaluation moins favorable, sauf à sanctionner l’intéressé une nouvelle fois à raison des mêmes faits, est empreint de mauvaise foi. Enfin, le Tribunal ne peut qu’être frappé du contraste entre l’extrême mansuétude dont a ainsi bénéficié l’ancien supérieur hiérarchique de la requérante et l’attitude plutôt rigoureuse adoptée, dans le même temps, à l’encontre de cette dernière. Outre que celle ci n’a alors bénéficié — ainsi qu’il a été dit plus haut — d’aucune forme d’indemnisation, elle a fait l’objet, à la suite de la réunion tenue par le Directeur général le 10 mars 2003, d’une mutation dans un autre service décidée sans ménagement particulier à son égard. Ainsi, c’est elle qui, pour l’essentiel, a dû subir les conséquences concrètes défavorables de la situation créée par la mise en cause de son supérieur hiérarchique. Ainsi que le Tribunal l’a notamment affirmé dans le jugement 2067, il incombe à toute organisation internationale de traiter ses fonctionnaires avec dignité et d’éviter de leur infliger un tort inutile.
Il résulte de ce qui précède que l’OMPI a manqué, à l’occasion de la dénonciation par la requérante du harcèlement sexuel dont elle était victime, au devoir qui était ainsi le sien envers un membre de son personnel.

Mots-clés

Harcèlement sexuel



 
Dernière mise à jour: 17.08.2020 ^ haut