Questions/Réponses

Le long chemin vers l’autonomisation des femmes en Afrique

Vingt ans après Beijing +20, l'inégalité des genres reste l'un des plus grands défis en Afrique. Mais l'Union africaine a déclaré 2015 "Année de l'autonomisation des femmes et du développement vers l'Agenda 2063 de l'Afrique". Entretien des Nouvelles du BIT avec Fatime Christiane Ndiaye, Spécialiste Technique Principale Genre pour l’Afrique francophone au Bureau Régional de l’OIT pour l’Afrique afin de mesurer les progrès, défis et opportunités pour les femmes africaines vers l'autonomisation.

Reportage | 15 mars 2015

1.Les dirigeants africains ont déclaré l'année 2015 comme «Année de l'autonomisation des femmes et du développement de l'Afrique via l'Agenda 2063". A quelle question pensez-vous que les États membres devraient accorder maintenant la priorité?

Je pense que de nombreuses questions qui se posent au Continent sont inter-reliées : démocratie, gouvernance, justice, non-discrimination, environnement…. Mais, si les Etats devaient s’attaquer à une priorité se serait, sans conteste, celle de l’emploi des jeunes femmes et des jeunes hommes. Ce défi de l’emploi des jeunes est, sur le long terme, une clé pour la stabilité sociale et économique des Etats. Pour un jeune, avoir un emploi n’est pas seulement une question de revenu, mais aussi un facteur primordial de son épanouissement personnel et de son intégration sociale. Par ailleurs, il est constaté que l’incidence du chômage et du sous-emploi est plus forte pour les jeunes filles que pour les jeunes hommes. Pour les générations à venir, il est important de mettre un terme aux inégalités socio-économiques de genre et aux discriminations entre les sexes dans le monde du travail. La division sexuée du travail, induit une double ségrégation horizontale et verticale. Ces deux formes de discriminations sont déterminantes pour la compréhension des inégalités de genre : salaires, revenus, formation professionnelle, position et statut professionnels, conditions de travail, etc. Ces inégalités entre les hommes et les femmes, en sus du fait qu’elles sont injustes et injustifiées, privent les sociétés d’une partie de leurs ressources humaines et de l’immense talent des femmes.

2. Malgré certains progrès, les femmes africaines sont encore sous-représentées dans les rôles managériaux/postes de direction dans le continent? Quel est votre avis à ce sujet? Comment réagissons-nous à cela?

Je pense que la sous-représentation des femmes africaines dans les postes de direction résulte de multiples facteurs. Parmi eux il y a la ségrégation professionnelle, que j’invoquais ci-dessus, et le poids des stéréotypes, mais aussi la difficulté qu’elles ont de concilier vie familiale et vie professionnelle.

3. Lequel de ces choix décrit le mieux les aspirations des jeunes femmes africaines aujourd'hui? Droit à l'éducation à long terme, l'égalité des salaires ou de dire non à la violence domestique?

Vous me demander un choix « cornélien » ! Je pense que les jeunes femmes aspirent à tous ces droits. Il est juste qu’elles revendiquent le droit d’être éduquer, celui d’avoir un emploi et, dans cet emploi, de bénéficier d’un salaire égal pour un travail de valeur égal. Dans toutes les étapes de la vie des femmes, de leur enfance à leur vieillesse, il faut mettre fin à toutes les formes de violence à leur endroit. Il en va de la dignité de nos sociétés.

4. La clé de l'autonomisation économique des femmes africaines est l'esprit d'entreprise et un accent sur les PME. Êtes-vous d'accord?

Je pense qu’il est important de mettre un accent sur les PPME dirigées par les femmes et de réduire les barrières qui les privent de certaines potentialités telles que l’accès aux financements, aux marchés publiques, à la terre, aux connaissances, aux technologies… Mais, il ne faut pas oublier les femmes salariées. Le salaire est aussi un facteur d’autonomisation économique des femmes.

5. Comment voyez-vous le rôle de l'OIT dans le soutien aux politiques d'égalité de genre de l'Union africaine sur le continent?

Pour moi l’OIT joue un rôle multiple pour soutenir les politiques d’égalité de genre sur le continent. Cela va du plaidoyer, aux renforcements de capacités des mandants et partenaires, en passant par la recherche.

6. La combinaison de la vie familiale avec le travail: un défi ou une opportunité?

Pour le moment, il est un défi car les travailleuses africaines, et celles de par le monde, cherchent quotidiennement la meilleure manière de combiner leur vie familiale et professionnelle. Il se transformera, je l’espère, en opportunité quand les tâches domestiques et les fonctions familiales seront mieux répartis entre les hommes et les femmes ; et quand les Etats ratifieront et appliqueront la Convention Internationale du Travail N°156 sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.

7. La JMF est célébrée en mars et la Journée mondiale des hommes en novembre? Est-ce un "équilibre du genre" ou devrait-on marquer les deux évènements le même jour?

J’aimerais vous retourner la question. Pensez-vous que la journée internationale de la femme est célébrée en opposition à l’homme ? Personnellement, je pense qu’elle s’inscrit dans le long cheminement vers l’égalité, dans les revendications des femmes pour de meilleures conditions de travail et pour leur droits politiques, sociaux et économiques. Tant que l’égalité entre les hommes et les femmes ne sera pas atteinte, partout dans le monde, nous devrons la célébrer.

8. Quel est votre message final pour la Journée internationale de la femme?

Je reprendrais les préoccupations de l’OIT qui sont miennes : Accélérer et accomplir l’égalité entre les hommes et les femmes au travail.