« 100 Ans – 100 Vies » | SIERRA LEONE - “Nous avons décidé d’établir un lien avec d’autres femmes dans la même situation – autrement dit, une sorte de coopération Sud-Sud”

Des femmes faisant du commerce transfrontalier à partir de la Sierra Leone sont parvenues à faire de meilleures affaires en s’inspirant de l’exemple de femmes d’Afrique de l’Est qui évoluent dans un environnement économique similaire.

Reportage | Sierra Leone | 2 septembre 2019
FREETOWN - Vous jouez quelque peu avec votre vie à chaque fois que vous traversez la rivière Makona. En effet, ce cours d’eau qui serpente à travers la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone est très profond, très large et très long.
Malgré sa peur, Nyaibor Ngombu, chargée principale de programme à la Manor River Union (MRU) a finalement franchi la rivière sur une pirogue utilisée comme ferry et qui transporte les passagers à travers la frontière.

« Nous sommes entassées jusqu’à une dizaine, au milieu des sacs de farine, de riz, d’huile de palme et d’autres marchandises. Il n’y a pas de gilets de sauvetage, » raconte-elle.

Un commerce difficile

Pour les femmes-commerçantes de ces trois pays, les risques font partie de leur moyen de subsistance. C’est un commerce difficile. Les jours de marché, ces femmes quittent leurs maisons à l’aube pour se rendre dans des localités de l’autre côté de la frontière qui se trouvent à une distance raisonnable.

Parfois, elles doivent effectuer la traversée plusieurs fois pour transporter toutes leurs marchandises avant de les charger sur un camion et parcourir ensuite un long voyage sur des routes dégradées. Parfois, le marché est même trop loin pour leur permettre de rentrer chez elles le soir-même.

Malgré ces obstacles, ces femmes constituent un groupe économique important. Elles constituent 70 pour cent des commerçants transfrontaliers en Sierra Leone.

Mais il est difficile pour elles de pouvoir développer leur commerce ou encore d’accéder à des services financiers qui pourraient les aider à analyser et à atteindre des marchés intéressants. Nombreuses sont celles qui savent à peine lire et écrire et elles manquent également de compétences aussi bien sur le plan de la gestion d’entreprise que sur le plan technique.

« Je travaille au secrétariat de la Mano River Union (MRU) qui est une association internationale qui regroupent des représentants de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Liberia et de Sierra Leone avec pour objectifs d’accélérer le développement économique, le progrès social et culturel », explique Mme Ngombu.

« Ce travail m’a confrontée aux défis auxquels ces femmes commerçantes font face. Nous avons alors décidé de les aider en les mettant en relation avec d’autres femmes évoluant dans des situations similaires, c’est-à-dire que nous avons fait de la coopération Sud-Sud », ajoute-t-elle.

De la Sierra Leone à la Tanzanie

En effet, Mme Ngombu a emmené un groupe de femmes-entrepreneurs jusqu’au secrétariat de la Communauté d’Afrique de l’Est située dans la ville d’Arusha, en Tanzanie. Puis, elles ont pu se rendre au poste-frontière de Namenga entre la Tanzanie et le Kenya.

Là-bas, elles ont pu constater que les femmes commerçantes étaient plus organisées. Grâce à un guide développé en collaboration avec l’OIT, ces femmes savaient déjà tout ce qu’elles avaient besoin de savoir sur les coûts, les droits de douane, la législation en matière d’immigration ainsi, entre autres, que sur les procédures.

Elles ont donc immédiatement adopté la même technique qu’elles avaient pu elles-mêmes tester et l’ont appliquée à leur propre région avec l’aide de spécialistes de l’OIT et d’experts de la Plateforme des femmes d’affaires d’Afrique de l’Est.

L’OIT a notamment contribué à la formation des femmes commerçantes (par exemple pour savoir comment utiliser le guide), elle a fourni des informations sur les aspects légaux, économiques et sociaux du commerce transfrontalier et les a conseillées afin de formaliser leurs commerces.

Une application pour téléphone mobile est même en cours de création. Elle permettra aux femmes d’accéder à l’ensemble des informations dont elles ont besoin quand elles sont en route et dans un format simplifié, facile à utiliser.

Coopération Sud-Sud

Désormais, les femmes commerçantes de la MRU en savent beaucoup plus sur la façon dont elles peuvent développer leurs affaires. Elles connaissent les prix, les lois, les véritables droits de douane, ce qui signifie qu’elles risquent moins de se faire arnaquer. Le guide leur permet également d’accéder à une large gamme de services financiers, ce qui leur ouvrira les portes d’autres partenariats qu’ils soient techniques ou financiers.

« L’autre conséquence de cette collaboration entre les femmes de la MRU et leurs homologues de Tanzanie et du Kenya, c’est que cela a augmenté le nombre de pays impliqués dans la coopération Sud-Sud », conclut Mme Ngombu.

 

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