« 100 Ans – 100 Vies » | MADAGASCAR - “J’encourage les jeunes à ne pas tomber dans le piège de l’exploitation sexuelle”

TULEAR – Située au sud de Madagascar, bordée de plages paradisiaques dotées d’un ensoleillement exceptionnel, l’agglomération de Tuléar est une terre propice aux vacances. Mais, ici comme ailleurs, la présence de touristes dans un environnement d’extrême pauvreté fait aussi courir des dangers aux plus jeunes, susceptibles de tomber dans le piège de l’exploitation sexuelle commerciale.

Reportage | Madagascar | 9 octobre 2019
De 2014 à 2016, l’OIT – en collaboration avec l’UNICEF – a mis en place un projet visant à permettre à des adolescents mineurs tombés dans cet engrenage de quitter ce milieu pour apprendre un métier.

«Nous avons accompagné 80 enfants en 2014-2015 et 50 enfants en 2016», nous dit Emma Razanakolona, responsable de la branche locale de SOS Villages d’enfants, l’ONG chargée de l’application du projet.

Renforcée dans son action par le soutien d’un comité local de lutte qui rassemble les décideurs locaux, les autorités régionales, les opérateurs économiques ainsi que l’inspection du Travail, l’association a pu identifier des bénéficiaires grâce à des campagnes de sensibilisation, y compris au sein même des discothèques et dans les villages environnants.

Il s’agit de jeunes mineurs, en majorité des filles, mais aussi des garçons ayant joué le rôle d’« entremetteurs ». Ils ont alors suivi une formation de trois mois dans l’hôtellerie-restauration (serveuses, femmes de chambre, cuisinier, service au bar) qui constitue un secteur pour lequel les employeurs de la région ont du mal à recruter du personnel compétent. La formation théorique était complétée par un stage de trois mois en entreprise qui a débouché sur plusieurs embauches.

De l’exploitation sexuelle à un métier dans l’hôtellerie

A quelques kilomètres de Tuléar, dans un hôtel de Mangily, au bord de la célèbre plage d’Ifaty bordée de cocotiers et peuplée de barques de pêche multicolores, nous retrouvons Bonita.

Aujourd’hui âgée de 22 ans, la jeune fille nous explique qu’elle est tombée dans le piège de l’exploitation sexuelle commerciale entre 15 et 20 ans. Issue d’une famille pauvre de cinq enfants, elle nous raconte son calvaire, ses rencontres pour des sommes dérisoires : 70 000 ariary ($20) si le client était un occidental, 10 000 ariary ($3) s’il était Malgache.

Aujourd’hui, Bonita a complétement quitté ce milieu. Grâce à la formation qu’elle a suivie, elle est désormais serveuse au restaurant de l’hôtel. Elle se dit heureuse, rêve d’avoir d’ici quelques années sa propre petite échoppe de restauration rapide (appelée localement gargote). Elle explique avoir accepté de nous parler malgré sa gêne pour faire passer le message aux autres jeunes afin que le même piège ne se referme pas sur eux.

De retour à Tuléar, nous rencontrons Frankita, une autre adolescente qui a bénéficié elle aussi du programme. Elle arbore fièrement son uniforme de femme de chambre de l’un des principaux hôtels de la ville.

La jeune fille, âgée aujourd’hui de 18 ans, a connu très jeune, l’exploitation sexuelle commerciale en raison des problèmes financiers de sa famille.

Grâce à la formation de femme de chambre qu’elle a suivie, elle voit désormais la vie de manière plus positive. Elle prend plaisir à sourire et plaisanter avec ses collègues de travail. Elle gagne désormais un salaire régulier et elle est appréciée par ses patrons. Elle s’est tournée vers la religion et espère désormais trouver un mari en oubliant son passé.

Difficulté pour appliquer la loi

Face à l’ampleur du phénomène de l’exploitation sexuelle commerciale des enfants, l’inspecteur du travail local, Patrick Andriavelo, se démène ce qu’il peut. Egalement président du Comité régional de lutte contre le travail des enfants, il a collaboré étroitement au projet de l’OIT, a mis en place des cellules de veille dans les villages et il est parvenu à débusquer et à faire condamner plusieurs étrangers. Mais il reconnaît volontiers la difficulté de faire appliquer la loi et dénonce les « arrangements financiers » sur lesquels les cas débouchent souvent, plutôt que sur des condamnations pénales.

Au bureau de l’OIT à Antanarivo, la capitale malgache, on explique que ce projet fait partie d’une action plus large mise en place par l’OIT dans le pays pour éliminer le travail des enfants. Des formations mais aussi un soutien législatif et juridique ont été fournis au gouvernement ainsi qu’aux partenaires sociaux afin de créer les conditions nécessaires pour en finir avec les pires formes du travail des enfants. Il faut désormais veiller à l’application stricte des lois en vigueur.

Vidéo complémentaire montrant Bonita et Frankita :


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