Projet Bridge : une passerelle entre le Protocole à la Convention no. 29 de l’OIT et l’action mondiale pour l’élimination du travail forcé

Bridge en Mauritanie : Appui à la mise en œuvre de la loi 2015-31 «portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes»

Quelle est l’étendue du problème?

Une étude récente de l’Organisation internationale du Travail (OIT) révèle l’ampleur du travail forcé à travers le monde. Les données publiées pendant l’Assemblée générale des Nations Unies de 2017 montrent qu’autour de 25 millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont en situation de travail forcé dans toutes les régions du monde (victimes de traite, asservis pour dettes ou travaillant dans des conditions analogues à l’esclavage). Sur les 24,9 millions de personnes réduites au travail forcé, 16 millions sont exploitées dans le secteur privé, comme le travail domestique, la construction ou l’agriculture; 4,8 millions sont victimes d’exploitation sexuelle, et 4 millions sont astreintes à des travaux forcés imposés par les autorités publiques.
Le travail forcé est défini dans la convention (n° 29) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui est l’une des conventions de l’OIT les plus ratifiées, comme tout travail effectué contre son gré et sous la contrainte. Il peut être imposé dans tous les secteurs, y compris dans l’économie informelle, tels que l’agriculture, la pêche, le travail domestique, le bâtiment, le secteur manufacturier et l’exploitation des mines. Il s’agit notamment d’hommes, de femmes et d’enfants asservis pour dettes, victimes de traite ou de pratiques analogues à l’esclavage.

Des progrès récents en Mauritanie

Des progrès significatifs ont été accomplis par la Mauritanie, notamment l'adoption d'une feuille de route pour l’éradication des séquelles de l'esclavage, la révision de la Loi (n°2007/48) portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes et la ratification du Protocole de 2014 à la Convention no. 29 :
  • Le 21 mars 2013, le gouvernement de la République Islamique de la Mauritanie (RIM) a mis en place l'Agence nationale pour la lutte contre les séquelles de l'esclavage, de l'intégration et la lutte contre la pauvreté, appelée Agence «Tadamoun» (Solidarité en arabe).
  • le 6 mars, 2014 le gouvernement mauritanien a adopté une feuille de route pour éradiquer les séquelles de l'esclavage qui contient 29 recommandations couvrant les domaines juridique, économique et social, et de la sensibilisation et mise en place d’un Comité interministériel chargé de son suivi.
  • En août 2015, l'Assemblée Nationale de la Mauritanie a approuvé la Loi n° 2015-031 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, remplaçant la loi de 2007. La loi révisée rend l'infraction de «crime contre l'humanité» et criminalise également 10 autres formes d'esclavage, y compris le mariage forcé et le placement d'une femme sans son consentement après la mort de son mari. La nouvelle loi octroie le droit à des organisations de la société civile de porter plainte devant les tribunaux au nom des victimes en tant que partie civile. Elle prévoit une assistance juridique gratuite pour les victimes et se réfère à leur droit à réparation.
  • En 2016 création des trois cours criminelles spéciales pour connaître des infractions relatives à l’esclavage et aux pratiques esclavagistes basées à Nema, Nouakchott et Nouadibouh.
  • En mars 2016, la Mauritanie a approuvé la ratification du Protocole de 2014 à la Convention sur le travail forcé no. 29 (1930), ce qui en fait le deuxième pays africain à s'engager à mettre en œuvre ce protocole. P29 renforce et complète le cadre des sanctions des pratiques de travail forcé ou analogues à l’esclavage.

Le projet Bridge en Mauritanie

Le « Projet d’appui à la mise en œuvre de la Loi 2015-31 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes » est la composante mauritanienne du projet Bridge du BIT « Du Protocole à la pratique: une passerelle pour une action mondiale sur le travail forcé ».
Le projet vise à soutenir les efforts globaux et nationaux pour lutter contre le travail forcé dans le cadre du Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé (C29) de 1930, ratifié par la Mauritanie en février 2016. Les interventions prévues visent à renforcer le gouvernement mauritanien, les organisations de travailleurs et d’employeurs, ainsi que la société civile en général, pour soutenir la mise en œuvre de la Loi n° 2015-031 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, pour sanctionner ces pratiques et pour fournir une protection et des recours aux victimes identifiées.

En particulier, la stratégie de l'OIT comprend les éléments suivants :

1. Une meilleure connaissance, sensibilisation et la mise en œuvre du Protocole de l'OIT sur le travail forcé et de la Recommandation 203 (mesures complémentaires) ;
2. Des politiques nationales et plans d’action améliorés, développement et appui pour la mise en œuvre de la législation, avec des mécanismes de suivi et évaluation;
3. Des efforts accrus pour recueillir des données fiables afin de mener des recherches et de partager des connaissances entre les institutions aux niveaux national, régional et mondial;
4. Un soutien des travailleurs et les organisations d'employeurs dans la lutte contre le travail forcé. (Cette composante sera mise en œuvre en partenariat avec la Conférence Syndicale Internationale et l’Organisation Internationale des Employeurs)
5. Une sensibilisation accrue et l'accès aux programmes d’insertion pour les victimes du travail forcé.

Résumé des activités en Mauritanie 

Information et sensibilisation

  • Mise en œuvre d’une stratégie de communication sur la Loi n° 2015-031 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagiste
  • Organisation des discussions pour les autorités religieuses et traditionnelles au sujet de la Loi n° 2015-031
  • Développement des modules de formation sur la Loi n° 2015-031, la Convention no. 29 et le Protocole de 2014. 

Amélioration des connaissances et des capacités des acteurs

  • Pour la mise en œuvre des politiques en lien au travail forcé et les pratiques analogues à l’esclavage :
  • Traduction et diffusion de la Loi n° 2015-031 dans les langues utilisées en Mauritanie
  • Développement des procédures d'application de la Loi 2015-031 avec les acteurs concernés
  • Appui technique de la feuille de route interministérielle en ce qui concerne les aspects liés au monde du travail
  • Production de matériel d’information et formation des inspecteurs du travail, des cours spéciales, procureurs et magistrats, des avocats, des forces de sécurité et les autorités administratives et municipales pour permettre une meilleure application de la Loi.
  • Appui aux organisations de la société civile impliquées dans l'accompagnement et réinsertion des victimes, ainsi que dans l’appui conseil juridique. 

Recherche et production des données sur le travail forcé

En collaboration avec des institutions de recherche en RIM et le groupe de travail de la Conférence internationale des statisticiens de l’OIT :
  • Réalisation d’une étude qualitative afin de construire une typologie des relations de travail pouvant entrainer un risque de travail forcé ou des pratiques analogues à l'esclavage.
  • Organisation des ateliers avec les parties prenantes pour convenir des définitions opérationnelles et des méthodes d’enquête
  • Mener des enquêtes statistiques sur la prévalence du travail forcé des enfants et des adultes sur la base des lignes directrices sur les indicateurs statistiques élaborés par l’OIT

Développement des partenariats

Collaboration avec les organisations de travailleurs et d'employeurs pour un renforcement de leur contribution à la lutte contre le travail forcé.

Recours aux victimes

Appui aux victimes identifiées de travail forcé par l’accès à l’information et aux programmes d’insertion :
  • Elaboration d’un répertoire des organisations et institutions fournissant des services et accompagnant les victimes de travail forcé et des pratiques analogues à l'esclavage.
  • Organisation des séances d’information et sensibilisation auprès des populations plus vulnérables dans des zones géographiques ciblées par le projet.
  • Développement des partenariats avec les écoles professionnelles et les centres de formation pour leur formation en compétences techniques de base et en compétences non techniques