Coopératives de travailleurs
Les coopératives à la une: défis et atouts
Un séminaire récent organisé par le Bureau des activités pour les travailleurs et le Département des coopératives de l’OIT a rassemblé des chercheurs et des praticiens du monde entier pour évoquer les expériences et les problèmes que connaissent aujourd’hui les coopératives.
GENEVE – La contribution économique des coopératives est souvent sous-évaluée, si ce n’est totalement ignorée. Mais en réalité les 300 plus grandes coopératives du monde réalisent un chiffre d’affaires cumulé de plus de 1 900 milliards de dollars, soit davantage que le PIB de l’Italie. Les coopératives ont également joué un rôle clé dans la crise économique survenue en 2008. Les recherches de l’OIT montrent que les entreprises coopératives, quel que soit leur secteur et/ou leur région, ont fait preuve d’une meilleure résistance aux chocs subis par le marché que celles qui sont centrées sur le profit.
Au Québec, les coopératives répondent aux besoins du marché du travail en mobilisant autant les travailleurs qualifiés que les travailleurs non qualifiés. En Asie, surtout en Inde, les coopératives aident les travailleurs à s’organiser dans le secteur informel. En Afrique, syndicats et coopératives travaillent ensemble pour promouvoir la liberté syndicale et le droit de négociation collective.
Ce qui ne signifie pas que les coopératives soient la panacée pour les travailleurs et l’économie dans son ensemble. Selon les pays, les coopératives peuvent être confrontées à de nombreux problèmes, dont l’un concerne la manière d’attirer les jeunes travailleurs alors que le chômage mondial des jeunes affecte plus de 73 millions de jeunes hommes et femmes, âgés de 15 à 24 ans.
Le Bureau des activités pour les travailleurs de l’OIT et le Département des coopératives ont récemment organisé un séminaire sur les relations entre syndicats et coopératives de travailleurs. Voici le point de vue de quelques-uns des participants concernant les défis et les atouts actuels des coopératives dans leurs régions et pays respectifs.
«Pendant la crise de 2001, notre Fédération (FECOOTRA) a soutenu les travailleurs qui souhaitaient éviter que leurs sociétés fassent faillite en leur prodiguant des conseils juridiques et comptables. Nous les avons aidés à se mobiliser et avons appuyé les processus qui ont conduit à l’adoption des lois d’expropriation par le Parlement. Nous poursuivons cet important travail de soutien.
Un bon exemple nous est fourni par la fabrique de papier de ma ville, La Plata, que les travailleurs ont redressée avec l’aide de notre fédération. Les ouvriers ont acheté l’usine en faillite au bout de quelques années et, aujourd’hui, ils sont propriétaires d’une entreprise qui continue à produire du papier. Il existe des centaines de cas comparables. Le processus de redressement ne s’est pas arrêté avec la crise.
En Argentine et dans l’ensemble de la zone commerciale du MERCOSUR (composée de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay, de l’Uruguay et du Venezuela), les coopératives de travailleurs prospèrent avec le soutien des gouvernements de la région. En ce sens, nous ne sommes pas neutres. Pour nous, ce n’est pas la même chose d’avoir un gouvernement populaire qui soutient le mouvement coopératif ou un gouvernement de droite qui essaie de le détruire.
Aujourd’hui, en Argentine, les coopératives et les sociétés mutualistes produisent 10 pour cent du PIB national, représentant pas moins de 30 000 entreprises et employant un demi-million de personnes. Notre objectif est qu’en l’espace de 20 ans, d’ici à 2030, nous produisions 30 pour cent du PIB et que nous aboutissions à une économie plus intégrée, plus équitable et plus juste.»
«Globalement, nous avons des difficultés à préserver l’équilibre entre la nature associative de la propriété de l’entreprise et son efficacité opérationnelle. Quel que soit le secteur d’activité, nous essaierons toujours de réunir l’expertise technique requise au sein de la coopérative et les ressources pour financer son développement dans les conditions du marché.
Un autre défi pour nous Québécois est que le marché du travail est partagé en deux. D’un côté, nous avons des travailleurs qualifiés avec de hauts niveaux d’instruction et qui n’ont aucun mal à trouver du travail. Le nombre de travailleurs qualifiés disponibles pour créer des coopératives est donc réduit, puisque le secteur privé leur offre des conditions de travail convenables. D’un autre côté, les travailleurs non qualifiés sont très favorables à la création de coopératives afin de se procurer des activités économiques et des perspectives d’emploi. Le défi consiste à surmonter cette dichotomie du marché du travail pour s’assurer que dans chaque coopérative se côtoient aussi bien des travailleurs non qualifiés pour les opérations de production que des travailleurs possédant des compétences en gestion.»
«En Inde, on recense 600 000 coopératives formées de 250 millions de membres (…). Les coopératives indiennes ont dopé l’économie de l’Inde et apporté de la stabilité lors de la crise de 2008. Dans l’économie indienne, environ 20 millions d’emplois sont directement ou indirectement créés ou soutenus par des coopératives (…). Par exemple, dans ma ville d’Ahmedabad, l’association SEWA (Association des travailleuses indépendantes), qui compte plus de 1,3 million de membres, n’est pas seulement un syndicat mais aussi un mouvement réunissant plusieurs types d’organisations de membres, y compris des coopératives.
La SEWA dispose d’une stratégie de `lutte et de développement’ – le syndicat se bat pour les droits des travailleurs tandis que les coopératives et d’autres organisations collectives offrent des débouchés et une évolution aux travailleurs. Entre autres services, elle apporte son appui aux travailleurs à domicile – en majorité des femmes – pour leur garantir un meilleur tarif unitaire pour leur travail (la rémunération versée à un travailleur sous-traitant pour chaque article produit à domicile, comme des cigarettes roulées, des bâtonnets d’encens, des galettes ou des broderies).»
«En Europe, les coopératives devraient se montrer plus attrayantes de nos jours, en particulier si elles veulent remplir l’objectif de `la décennie des coopératives‘ qui consiste à faire des coopératives le modèle d’entreprise privilégié d’ici à 2020 et à attirer les jeunes travailleurs et entrepreneurs. En Italie, le cas des coopératives sociales vaut la peine d’être pris en compte par les autres pays qui s’intéressent aux différents modèles permettant de fournir des services sociaux. Les contraintes budgétaires au niveau national créent un fossé entre les besoins et la fourniture de services sociaux, avec la création d’un `marché noir’ qui comble les lacunes. Par exemple, prenons le cas de la prise en charge des personnes âgées. En Emilie-Romagne, un vaste `marché noir’ de plus de 120 000 travailleurs, essentiellement des travailleurs domestiques immigrés, apporte des services de soins aux personnes âgées chez les particuliers. Répondre à ce besoin de manière durable est possible si les coopératives et les syndicats unissent leurs forces et instaurent des coopératives de travailleurs sociaux pour assurer ce service.»
«Le modèle Syndicoop a eu son utilité. Il a montré que les mouvements syndicaux et coopératifs pouvaient collaborer afin d’organiser les travailleurs de l’économie informelle. Il s’appuyait sur les normes de l’OIT, en particulier la recommandation n° 193 de l’OIT, ainsi que les conventions fondamentales de l’OIT no 87 et no 98 sur la liberté syndicale et la négociation collective. Par exemple, les conducteurs de motos-taxis à Kigali, au Rwanda, ont conçu un modèle unique d’organisation qui est un mélange de syndicat et de coopérative.
Ce modèle d’organisation est une manière de rassembler les gens grâce à la solidarité et l’assistance mutuelle. C’est l’essence même du syndicalisme et de la coopération, et c’est ce que l’approche du Syndicoop essaie de développer. Il reste beaucoup à faire. Je pense qu’on peut dupliquer ce modèle dans d’autres situations mais il faut en faire davantage, surtout au niveau national.»
Au Québec, les coopératives répondent aux besoins du marché du travail en mobilisant autant les travailleurs qualifiés que les travailleurs non qualifiés. En Asie, surtout en Inde, les coopératives aident les travailleurs à s’organiser dans le secteur informel. En Afrique, syndicats et coopératives travaillent ensemble pour promouvoir la liberté syndicale et le droit de négociation collective.
Ce qui ne signifie pas que les coopératives soient la panacée pour les travailleurs et l’économie dans son ensemble. Selon les pays, les coopératives peuvent être confrontées à de nombreux problèmes, dont l’un concerne la manière d’attirer les jeunes travailleurs alors que le chômage mondial des jeunes affecte plus de 73 millions de jeunes hommes et femmes, âgés de 15 à 24 ans.
Le Bureau des activités pour les travailleurs de l’OIT et le Département des coopératives ont récemment organisé un séminaire sur les relations entre syndicats et coopératives de travailleurs. Voici le point de vue de quelques-uns des participants concernant les défis et les atouts actuels des coopératives dans leurs régions et pays respectifs.
![]() | José Orbaiceita
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Un bon exemple nous est fourni par la fabrique de papier de ma ville, La Plata, que les travailleurs ont redressée avec l’aide de notre fédération. Les ouvriers ont acheté l’usine en faillite au bout de quelques années et, aujourd’hui, ils sont propriétaires d’une entreprise qui continue à produire du papier. Il existe des centaines de cas comparables. Le processus de redressement ne s’est pas arrêté avec la crise.
En Argentine et dans l’ensemble de la zone commerciale du MERCOSUR (composée de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay, de l’Uruguay et du Venezuela), les coopératives de travailleurs prospèrent avec le soutien des gouvernements de la région. En ce sens, nous ne sommes pas neutres. Pour nous, ce n’est pas la même chose d’avoir un gouvernement populaire qui soutient le mouvement coopératif ou un gouvernement de droite qui essaie de le détruire.
Aujourd’hui, en Argentine, les coopératives et les sociétés mutualistes produisent 10 pour cent du PIB national, représentant pas moins de 30 000 entreprises et employant un demi-million de personnes. Notre objectif est qu’en l’espace de 20 ans, d’ici à 2030, nous produisions 30 pour cent du PIB et que nous aboutissions à une économie plus intégrée, plus équitable et plus juste.»
![]() | Claude Dorion
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Un autre défi pour nous Québécois est que le marché du travail est partagé en deux. D’un côté, nous avons des travailleurs qualifiés avec de hauts niveaux d’instruction et qui n’ont aucun mal à trouver du travail. Le nombre de travailleurs qualifiés disponibles pour créer des coopératives est donc réduit, puisque le secteur privé leur offre des conditions de travail convenables. D’un autre côté, les travailleurs non qualifiés sont très favorables à la création de coopératives afin de se procurer des activités économiques et des perspectives d’emploi. Le défi consiste à surmonter cette dichotomie du marché du travail pour s’assurer que dans chaque coopérative se côtoient aussi bien des travailleurs non qualifiés pour les opérations de production que des travailleurs possédant des compétences en gestion.»
![]() | Dr Vrajlal Sapovadia
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La SEWA dispose d’une stratégie de `lutte et de développement’ – le syndicat se bat pour les droits des travailleurs tandis que les coopératives et d’autres organisations collectives offrent des débouchés et une évolution aux travailleurs. Entre autres services, elle apporte son appui aux travailleurs à domicile – en majorité des femmes – pour leur garantir un meilleur tarif unitaire pour leur travail (la rémunération versée à un travailleur sous-traitant pour chaque article produit à domicile, comme des cigarettes roulées, des bâtonnets d’encens, des galettes ou des broderies).»
![]() | Roberto Cardinale
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![]() | Stirling Smith,
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Ce modèle d’organisation est une manière de rassembler les gens grâce à la solidarité et l’assistance mutuelle. C’est l’essence même du syndicalisme et de la coopération, et c’est ce que l’approche du Syndicoop essaie de développer. Il reste beaucoup à faire. Je pense qu’on peut dupliquer ce modèle dans d’autres situations mais il faut en faire davantage, surtout au niveau national.»
Directives de l’OIT pour promouvoir les coopératives |
La recommandation n° 193 sur la promotion des coopératives (2002) sert de guide pour la politique et la législation concernant les coopératives, soulignant la nécessité d’offrir des conditions équitables de fonctionnement aux coopératives et aux autres entreprises. Plus de 70 pays ont modifié leur législation sur les coopératives depuis l’adoption de la recommandation il y a dix ans, conformément à ses dispositions. Toutes les lois en matière de coopérative adoptées depuis lors ont réduit l’influence de l’Etat et le subventionnement public des coopératives, renforcé l’autonomie et l’indépendance des coopératives, et coupé les liens qui ont pu exister entre les coopératives et des organismes politiques. |