317e session du Conseil d’administration de l'OIT: Entretien avec Luc Cortebeeck, porte-parole du Groupe Travailleur

La 317e session du Conseil d’administration de l’OIT vient de s’achever à Genève. A cette occasion, le porte-parole du Groupe Travailleur, Luc Cortebeeck revient sur les résultats obtenus lors de cette session, les réformes engagées au sein de l’Organisation ainsi que la position des travailleurs pour la conférence régionale européenne de l’OIT prévue à Oslo, le 8 avril prochain.

Communiqué de presse | Geneva, Switzerland | 27 mars 2013

ACTRAV INFO : A l’issue de la 317e session du Conseil d’administration de l’OIT, quels sont les résultats obtenus à l’intention des travailleurs et des syndicats ?

Luc Cortebeeck : Naturellement, il y a toujours beaucoup d’éléments et de points qui sont importants pour la gestion du BIT, qui sont aussi importants pour les travailleurs, mais je pense qu’on peut parler de deux choses importantes.

Premièrement, nous avons décidé avec le Conseil d’administration de l’agenda de la Conférence de 2014. A ce niveau, il s’agit du Travail forcé et nous avons déjà des conventions sur ce sujet et la plus connue est la Convention (n°29) sur le Travail forcé qui date de 1930. Aujourd’hui, nous avons un certain recul en ce qui concerne le travail domestique et il y a encore beaucoup de problèmes dans le domaine du trafic d’être humains pour le travail et l’emploi. Nous avons déjà un accord entre les employeurs et les travailleurs et à présent, nous avons aussi un accord avec les gouvernements ; ce qui manque, c’est le type d’instrument. Va t-on choisir un protocole sur le travail forcé ? Ou plutôt s’achemine t-on vers une recommandation ? Je pense que les travailleurs sont favorables à un protocole pour compléter la Convention n° 29.

Deuxièmement, il s’agit de la discussion sur l’emploi informel qui est un problème majeur dans beaucoup de pays du sud. Il s’agit de formaliser le travail informel sous forme de recommandation, car il sera très difficile de faire une Convention, même si tout le monde le veut. Nous avons eu beaucoup de problèmes avec certains gouvernements même si l’Afrique était d’accord ; certains pays du sud étaient pour et d’autres contre. Nous avons déjà un accord avec les employeurs sur ce point. Actuellement, les discussions se poursuivent et un grand nombre de gouvernement ont revu leur position et nous nous acheminons vers un instrument, plus exactement une recommandation sur le travail informel. Le fait d’inscrire ce sujet à l’agenda de la Conférence de 2014 représente déjà un pas important car dans de nombreux pays, le travail informel concerne plus de 80% des travailleurs qui sont généralement pauvres.

Au sujet de la Conférence de 2015, de bonnes idées sont à l’étude, notamment pour ce qui est de l’organisation du travail avec les chaînes de l’offre au niveau des petites entreprises qui travaillent pour les grandes entreprises et les multinationales. Il faut noter que les travailleurs n’ont pas les mêmes droits au sein des petites entreprises par rapport aux grandes entreprises. Les discussions vont se poursuivre sur ce sujet également.

ACTRAV INFO : Cette 317e session du Conseil d’administration s’est déroulée dans un contexte de réforme de l’Organisation, initiée par le Directeur général, M. Guy Ryder. Quelles sont vos attentes au niveau du Groupe Travailleur concernant ce projet de réforme ?

Luc Cortebeeck: Nos attentes sont très fortes concernant la reforme et je pense que du côté des employeurs et des gouvernements, il y a également beaucoup d’attente.

Il s’agit d’avoir une crédibilité, non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour les gouvernements et les employeurs. Je pense que c’est le début d’un processus. Au niveau de l’OIT, je pense qu’il y avait deux problèmes. Je sais qu’il y a beaucoup de fonctionnaires qui travaillent bien au sein du BIT, mais de temps en temps, j’ai l’impression qu’ils travaillent dans un îlot à l’intérieur de la maison sans connexion horizontale et transversale avec les autres départements. Des études et des recherches sont menées partout dans différents départements. Donc beaucoup de gens avec de bonnes intentions, faisaient un travail remarquable, mais on peut faire beaucoup plus pour améliorer la qualité car l’OIT est quand même l’Organisation qui est spécialisée dans le monde du travail. La réforme donne des possibilités pour garantir cela.

Deuxième élément, on ne voyait pas le lien entre les bureaux régionaux et nationaux par rapport au siège ici à Genève. Il s’agit de voir comment corriger cela. Aujourd’hui, nous avons déjà une première réponse donnée par le BIT et nous espérons bien qu’on ira dans la bonne direction en associant bien sûr le personnel de l’Organisation.

ACTRAV INFO : La 9e réunion régionale européenne de l’OIT est prévue le 8 avril 2013 à Oslo avec un accent particulier sur la crise en Europe. Au niveau du Groupe Travailleur, quelles mesures préconisez-vous pour sortir de cette crise qui touche d’abord les travailleurs ?

Luc Cortebeeck : La réunion d’Oslo est vraiment un grand défi! Nous savons tous qu’au début de l’OIT en 1919, l’Union Européenne n’existait pas encore ; mais il y avait des pères fondateurs issus des différents pays européens. Pendant des décennies, l’Europe avait fonctionné avec un modèle social qui servait de référence à un grand nombre de pays. Depuis, il y a eu beaucoup de changements avec la globalisation, la crise financière et économique et cela pose encore de nombreux problèmes au point que plusieurs pays européens font des assainissements en restructurant le travail et en modernisant l’emploi. Mais dans la pratique, cela signifie moins de protection pour les travailleurs. Par conséquent, ces assainissements commencent à peser partout en Europe, surtout en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Italie et maintenant à Chypre. On voit que dans les pays où cette crise est sévère, il y a la Troïka composée de la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fond monétaire international. Cette Troïka décide de la manière dont les pays en crise doivent gérer leurs affaires. Nous disons très clairement que l’on doit définir le rôle de l’OIT dans la gestion de cette crise. Car on constate que le dialogue social a diminué dans tous ces pays en crise ; la liberté syndicale est moins respectée et les Conventions de l’OIT ne sont pas toujours appliquées. Je pense que l’Europe a besoin des Conventions de l’OIT. Ensuite, l’OIT doit être présente dans ces pays en crise, car ce n’est pas uniquement la Troïka qui doit décider. Il faut donc renforcer le dialogue social dans ces pays, et accorder une importance au respect des Conventions de l’OIT.