Travail des enfants

Élimination du travail des enfants : quel rôle pour les enseignants ?

Analyse | 18 décembre 2015
Faustina Van Aperen, Spécialiste principale en matière d'activités pour les Travailleurs
A la veille de Noël, cette belle histoire mérite d’être partagée ! Lorsque les enseignants et leurs organisations sont entendus, l’abolition du travail des enfants peut devenir effective et avoir des retombées positives sur l’organisation du travail décent.

Dans l’État du Madhya Pradesh en Inde, un programme de motivation a été lancé pour former les maîtres à une pratique pédagogique différente : « apprendre dans la joie » ou la stratégie du SHIKSHAK SAMAKHYA. C’était à l’occasion de la journée des enseignants le 5 octobre 1992, pour commémorer la signature de la recommandation UNESCO -OIT concernant la condition du personnel enseignant dans 186 écoles primaires . La force de ce programme de motivation consiste à associer, dès le début, les enseignants dans la conception et le développement du projet à tel point que « ceux-ci l’ont rapidement considéré comme leur bien propre ». Selon l’article, cette nouvelle approche stratégique s’est très vite étendue aux districts voisins. Aussi le soutien dévoué des premiers enseignants à leurs collègues dans des domaines nouveaux s’est révélée capital. Le programme touche à présent tout le système de l’éducation car les planificateurs et les administrateurs ont placé leur foi dans les enseignants au niveau local. Les résultats sont réconfortants, car ce projet avait commencé dans le Dhar, une région considérée comme étant « arriérée » de par sa population. Le Dhar est composée de tribus, soit 75 % de la population qui migre régulièrement vers les villes pour trouver du travail. En outre cette région affichait des taux faibles de fréquentation scolaire au début du programme « apprendre dans la joie » ou SHIKSHAK SAMAKHYA.

Cette méthode qui fonctionne aujourd’hui dans 10 autres États de l’Inde sous le nom générique de « perfectionnement des maitres » a permis de restaurer le respect pour la profession. Non seulement les enseignants apprécient leur travail dans la classe mais ils/elles ont réussi à rendre leur activité d’enseigner « si intéressante » que les enfants ont envie d’aller à l’école nous indique Mr Sartar Singh Rathore, Principal de Dhar. On note la hausse des inscriptions dans les écoles particulièrement des filles et des enfants qui travaillent. Comme les parents estiment que l’expérience scolaire est rendue assez opportune, efficace et plaisante, ils consentent à envoyer leurs enfants à l’école et, avec toute la communauté, ils ont décidé aussi de soutenir les enseignants et l’école. L’investissement de l’Inde en faveur de cette méthode « apprendre dans la joie » a donc donné aux enseignants des moyens de réaliser leur potentiel et de rendre agréable l’apprentissage. Cette stratégie est en train d’être développée au Bangladesh, au Népal et au Pakistan. Elle est soutenue par d’autres agences des Nations Unies - UNICEF, FNUAP, PNUD- et est de bonne augure, pour la future Alliance 8.7 proposée par l’OIT, dans le cadre de la promotion des principes et droits fondamentaux au travail au cœur des objectifs durables de développement.

En mettant au cœur de toutes les stratégies d’abolition du travail des enfants, les attentes des enseignants et de leurs organisations, les résultats sont tangibles et permettent des retombées sociales positives pour l’ensemble des communautés.

A l’instar de cet exemple de l’Etat du Madhya Pradesh qui en acceptant les revendications pour plus de respect et plus de moyens pour les enseignants, progresse, vers l’abolition durable du travail des enfants, comme l’atteste ce témoignage « apprendre dans la joie ».

Même si le rôle des syndicats n’est pas explicitement cité, nous devons rendre à César ce qui appartient à César : les organisations syndicales nationales, l’Internationale de l’Éducation, et la Confédération Syndicale Internationale, en tant que parties prenantes à la rédaction de la recommandation UNESCO -OIT de 1966, n’ont eu de cesse à revendiquer l’amélioration des conditions de travail des enseignants pour l’éradication du travail des enfants.

C’est sur ce constat que nous concluons cette histoire, et spécialement pour ceux qui en douteraient encore : le chemin de l’éradication du travail des enfants et de la réalisation du travail décent pour le développement durable passe par l’écoute, le respect des enseignants et de leurs syndicats.